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L’attente hypnologique |
Mais qu’est-ce que les hommes attendent donc ? Nous voudrions montrer que la condition humaine passe par l’attente, dès lors que l’on recourt au modèle hypnologique.
En effet, le concept même d’hypno implique une transformation, un changement d’état de conscience non certes pas global mais sur un segment précis de notre activité et ce contrairement à ce que proposent certaines techniques à vocation “spirituelle”. Le champ hypno n’est pas d’un seul tenant, il est constitué d’un entrelacs de structures tant sur le plan synchronique que diachronique dont on est encore loin d’avoir fait l’inventaire voire pris la mesure. Ce champ est en perpétuelle évolution puisque le processus hypnologique est constamment à l’oeuvre, à différents niveaux. En effet, il tend à s’approfondir et à s’ancrer de plus en plus constituant des couches de plus en plus enfouies dans l’inconscient, ce qui n’est pas d’ailleurs sans trahir une certaine inconscience, dans tous les sens du mot, celle des apprentis sorciers. Ajoutons que de tels processus ne sont pas nécessairement irréversibles, en deçà d’un certain seuil qui reste à préciser. Champ donc extrêmement vaste que celui de l’hypno et voué aux mutations; non seulement parce qu’il implique un basculement mais parce qu’il passe par des stades successifs, qui vont de l’habitude à l’automatisme, de la mémorisation au réflexe, de la technicisation à l’instrumentalisation etc. Autrement dit, l’homme est constamment en passe de modifier son rapport au monde et en fait il ne cesse et n’a cessé de le faire évoluer, qu’il le fasse sciemment ou non. Le problème, c’est que cette activité conduisant à un tel ensemble de changements ne semble nullement maîtrisée au point qu’au nom d’une certaine orthodoxie scientifique on en est encore à contester toute transmission de caractères acquis, comme si l’homme était condamné à tout recommencer, à tout réinventer et surtout comme si tout dépendait de la transmission de chaque génération, de l’apprentissage du langage parlé / écrit. En fait, tout se passe comme si les enseignants / prêtres avaient voulu garder la mainmise - une sorte de monopole - sur des phénomènes qui en réalité leur échappaient largement et ce de façon continue.
Inversement, en même temps que d’aucuns soutiennent que rien de significatif ne se transmet par la filiation, par l’hérédité, en matière de comportement social, ils ne se privent pas pour surestimer / exagérer les possibilités / latitudes offertes par l’éducation, le pouvoir du Droit, de l’Etat à produire des changements radicaux. Le débat est-il finalement d’ordre épistémologique ou idéologique ?
Il semble en tout cas que le fait que l’Humanité ait toujours vécu dans une situation d’attente tende à révéler une certaine conscience du phénomène hypno car le prophétisme, sous une forme ou sous une autre, est-il autre chose qu’un certain besoin d’être un beau jour déchargé de certaines tâches qui pèsent par trop et dont il faut se libérer ? La liberté n’est-elle pas, en effet, fonction d’un tel délestage de fardeaux, de ce qui pèse lourdement, par le biais du relais hypno, qui passe par la délégation, par une certaine déresponsabilisation ? Prophétisme et libération d’un poids, d’une contrainte, d’une corvée, iraient ainsi de pair. Au demeurant, même le fait d’attendre l’âge de la retraite relèverait d’une telle mentalité, ou tout simplement le fait de se faire servir, par exemple au Café du coin ou d’emprunter les transports en commun. La domesticité n’est plus ce qu’elle était et probablement il y a des choses que nous avons désormais du mal à comprendre - que faire lorsque la bonne est sortie ? - car notre rapport à la machine occulte celui que nous avions avec nos congénères, il y a peu. Est-il sage de faire les choses ensemble - par exemple la vaisselle - au lieu de demander à l’un de les faire pour l’autre ? Est-ce un progrès ou une régression ? Et est-ce que cela fait sens de faire les choses à tour de rôle plutôt que de permettre à chacun de s’habituer à sa tâche au point qu’elle ne pèse plus tant que ça ? Car celui qui prend sur lui une certaine charge, non seulement décharge autrui mais en outre finit par se décharger lui-même, par le jeu de l’expérience et des automatismes. Il n’en est pas autrement quand un projet finit par se concrétiser, cela signifie que l’on n’a plus à y penser ou plus de la même façon, qu’on en est peu ou prou libéré comme si l’on en avait accouché et qu’il nous échappait, ce qui est aussi une forme d’émancipation de notre part.
En réalité, les élections entrent dans cette même logique où l’on choisit des représentants, des députés qui vont nous représenter, c’est-à-dire qui seront présents à notre place, qui se substitueront à nous, ce qui implique l'enclenchement, en nous, d’un processus plus ou moins subconscient pouvant passer par le refoulement et l’oubli, l’ignorance, au sens anglais du mot - c’est-à-dire ne pas vouloir savoir - qui peut d’ailleurs être contesté, au nom du Contrat Social (Rousseau) et la Révolution ne consiste-t-elle pas à revoir / réviser, tant que faire se peut, les conditions du processus hypno en vigueur, dans une société donnée, en remettant les compteurs à zéro ?
On nous objecte que le phénomène hypno n’est pas “démontré”, “prouvé”. On se demande en quoi consisterait une démonstration selon les voeux et les critères de celui-ci ou de celui-là. En fait, il s’agit d’un faisceau d’indices, de présomption, que chacun évalue à sa façon, avec un sens de la synthèse plus ou moins développé. Ce n’est qu’une élite, formée en conséquence - et sur laquelle précisément on se décharge en tout état de cause - qui peut prétendre juger si ceci ou cela a bien été démontré. Et il va de soi que cette élite, au niveau scientifique, ou ces élus, au niveau politique acquiert une compétence que n’a pas ou plus ceux qui en dépendent. Car si l’élu dépend de moi, je finis évidemment par dépendre de lui, du fait qu’il effectue un travail que je n’effectue plus, du moins provisoirement.
Il semble bien qu’il existe un mythe essentiel qui est celui de l’attente, d’une tension, suivie d’une libération et qui véhicule, selon nous, la conscience d’une problématique hypno dont nous avons dit ailleurs, à propos de Paul et de l’Incarnation1, à quel point il y avait en effet attente d’une révolution, d’une trans-formation, d’une trans-mutation. Cette idée d’hypno n’est donc nullement étrangère à notre psyché et on a du mal à comprendre pourquoi elle est si mal accueillie, pensée, et finalement réduite à la portion congrue, comme une sorte de parent pauvre, qui aurait à se réfugier dans les bas fonds de l’ésotérisme et qui n’aurait donc pas été “démontré”.
On peut dès lors se demander si, ce faisant, le concept hypno n’est pas susceptible d’alimenter, de relancer le religieux voire le politique face au scientifique. Opposition apparemment inconcevable tant notamment le concept hypno trouve écho dans le technologique, mais n’y a-t-il pas finalement antagonisme / antinomie radical entre science et technique ? Nier cette pulsion fondamentale de l’Humanité à se libérer et ce notamment par le biais de la machine mais aussi par tant d’autres voies qui prolongent de façon souterraine / subconsciente nos entreprises, à quoi cela rime-t-il ? Cela nous rappelle que dans l’Apocalypse, il y a une dialectique entre Jésus et Satan, ce dernier étant l’être des Enfers, c’est-à-dire littéralement des mondes inférieurs, qui se situent “en dessous”. Faudrait-il donc nier / dénier l’existence de ces forces qui sont issues de nous et qui nous libèrent et se libèrent ? Paradoxe que ce XXIe siècle qui accepte la psychanalyse mais qui refuse - encore - la transmission des caractères acquis au sein d’un Inconscient Collectif ou de toute autre instance / topique et qui veut continuer à faire de l’Homme un Sisyphe qui aurait toujours tout à apprendre. Nous avons montré que c’est en chacun de nous que se transmet les acquis des siècles passés et non en fonction d’une culture en surface, ô combien fragile.
Il est temps de nous émanciper du Livre qui serait porteur, pourtant bien suspect, de la clef de notre héritage : les juifs sont bien placés, de nos jours, pour prendre la tête d’une telle croisade, eux qui ont été si souvent victimes de ce qu’on avait écrit et transmis à leur sujet, eux, d’ailleurs, que l’on voulait enfermer dans leur Livre, dans ses interdits, dans ses représentations décalées par rapport à la réalité juive. Comme dans ce film Autour du Dragon d’Hélène Angel, qui vient de sortir, où le héros est confronté à sa légende telle qu’elle est justement véhiculée par un manuscrit qui raconte ce qu’il est et ce qu’il a accompli. On nous objectera que le Livre est précisément un élément du monde hypno, qu’il survit et surpasse ceux dont il s’inspire. C’est qu’effectivement, l’homme se situe en deçà et au delà du Livre, le Livre n’étant qu’un moyen pour passer d’un hypno-savoir de surface à une hypno-savoir des profondeurs, le Livre est ce que nous appelons un socio-savoir. A un certain stade, le Livre doit disparaître quand il s’est incarné, il est comme un miroir qui ne saurait pas se vider des images qui se reflètent en lui.
Il y a quelque chose de très dangereux dans ce négationisme de l’hypno-savoir par lequel la Science moderne croirait pouvoir se constituer et qui date probablement du XVIIIe siècle, du Siècle des Lumières, qui met en pièces une monarchie sous -tendue par l’hypno-savoir, lequel ne saurait exister, au final, sans la transmission par filiation. Il y a là en vérité un obstacle épistémologique de tout premier plan dans le refus de tout ce qui pourrait être transmis sans avoir à être appris. C’est ainsi que les femmes sont nombreuses à penser / croire que le sexe n’est qu’un genre (un gender, disent les anglo-saxons), déterminé, conditionné par la société, non pas en profondeur mais en surface.
En fait, nous sommes en face d’un puzzle ou d’un tableau de Mendeleiev. Nous avons déjà un certain nombre de pièces mais pas toutes : nous avons le monde des machines, les pratiques électives dans les démocraties, nous avons la psychanalyse, nous avons l’instinct des animaux, nous avons les attentes messianiques qui constituent un fait anthropologique majeur, nous avons la sexuation qui décharge l’un aux dépends de l’autre, nous avons le rapport des hommes et de toutes sortes d’êtres vivants aux astres, nous avons l’esclavage sans lesquels il n’y aurait peut être pas de liberté, nous avons les enfants prodiges, nous avons cette société truffée d’interdépendances. Et au milieu de ce puzzle, manque une pièce, celle qu’a voulu placer un Lamarck, celle de la transmission des caractères acquis qui est le vecteur même de toute libération, qui est l’héritage par excellence qui donne sens à l’aventure humaine qui est exploration et comment me confronterai-je à ce qui est nouveau si je suis amnésique. Or, refuser l’hypno-savoir, cela revient bel et bien à nous dire tous amnésiques. On songe à ce film Memento, où le héros devait écrire tout ce qui lui arrivait, faute de quoi il n’en gardait pas le souvenir ! Or, nous ne pensons pas que l’Humanité ait besoin d’écrire pour se rappeler de son Histoire. Non pas qu’il lui soit nécessaire d’ailleurs d’en avoir conscience puisque précisément le but est de s’en souvenir pour que le conscient puisse se permettre d’oublier, se reposant sur le subconscient. Mais ne jouons pas sur les mots : il est impératif que nous reconnaissions notre inconscience, il y a là comme un anneau de Moebius : il faut que nous soyons conscients que nous ne le sommes pas et nier ce fait est basculer dans la schizophrénie, c’est-à-dire précisément nous enfermer dans l’inconscience à force de la nier.
L’agriculture nous enseigne déjà cette vérité : l’hiver n’est-il pas le lieu de l’hibernation, de cette vie souterraine et une fois la semence accomplie, ne faut-il pas laisser la terre mûrir la semence, tout comme on laisse l’enfant grandir, en laissant le temps au temps ? Qui a peur de l’hypno-savoir et quelle conspiration pour empêcher sa reconnaissance, quitte à refuser à l’Humanité ce sens de l’économie, du recyclage qui n’exige pas de chacun de nous d’avoir à tout réinventer et redécouvrir ? On songe à ces prêtres précolombiens qui procédaient à divers rites pour s’assurer que le soleil se lèverait à nouveau ou à ces médecins qui profitent du fait que leur malade se guérit tout seul et mettent cela sur le compte de leurs médicaments. Il y a du charlatanisme et beaucoup de vanité à laisser croire que sans nous, les choses n’existeraient pas ou plus.
Il est vrai qu’il est un domaine qui semble aller à l’encontre de nos dires, c’est l’apprentissage du langage. Il est vrai que nous ne naissons pas en sachant parler le français ou le russe ! Mais nous naissons peut-être en sachant apprendre à parler et c'est bien de cela qu’il s’agit; Certes, l’enfant laissé à lui-même parmi des êtres qui ne parlent pas ne parviendra pas à parler, sinon à partir de zéro2, mais il suffira qu’il soit en présence de locuteurs pour qu’il sache s’organiser avec les mots et les associer avec les choses. Or, l’hypno-savoir est plutôt qu’un savoir, un savoir faire, une aptitude à s’orienter au sein d’un champ donné et d’y puiser les informations nécessaires. Il n’est pas nécessaire pour autant de croire à la réincarnation, au karma, à cette mémoire que nous aurions, quelque part en nous, de nos vies antérieures. Il y a des représentations caricaturales de l’hypno-savoir comme le thème natal qui nous chargerait de tant de déterminismes à la naissance.
Certains préfèrent à l’hypno-savoir la notion d’influence que nous subirions. Les mêmes influences produiraient les mêmes effets, de génération en génération. On ne passe pas dans ce cas du conscient vers l’inconscient. On serait alors d’emblée dans l’inconscient, ce qui va à l’encontre de tant de processus que nous avons décrits et qui passent par l’habitude / habitus, et où nous voyons bien le génie de l’Homme à l’oeuvre qui est précisément un subtil équilibre entre la force de l’instinct, de l’acquis devenu inné, et le maintien de la créativité. Or, accepter l’hypno-savoir ne conduit nullement à nier aux hommes la faculté d’innover puisque l’hypno-savoir en est la conséquence, la séquelle, il est cet ensemble d’automatismes qui permettent, paradoxalement, aux hommes de se libérer de la répétition, en dégageant ainsi l’horizon. Qu’est-ce au demeurant que le capitalisme, sinon l’aptitude à oublier, pour ainsi dire, ce qu’on a pour que quelque part cela croisse, sans que nous y pensions ? Il y a là, avouons-le, une certaine duplicité à être à la fois dans le conscient et le subconscient, à ce que la main droite ignore ce que fait la main gauche. Mais précisément, quelle plus grande duplicité que celle de celui qui nie avoir deux mains ?
Jacques Halbronn
Paris, le 13 août 2003
Notes
1 Cf. nos études sur Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Hypnologica. Retour
2 Cf. L’Enfant sauvage de Truffaut. Retour
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