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HYPNOLOGICA

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Mimétisme, instrumentalisation et hypnologie

par Jacques Halbronn

    L’acte d’imiter est-il en accord ou bien au contraire en opposition, en contradiction avec le processus hypnologique et plus spécifiquement avec ce que nous avons appelé hypno-savoir ?

   Apparemment, le mimétisme nous apparaît comme un refus de prendre en compte l’existence même d’hypno-savoirs et notamment de respecter le facteur Temps, dont l’hypno-savoir est fonction. En effet, toute entreprise mimétique ne présuppose-t-elle pas la perspective de raccourcis temporels, l’existence de passerelles, la relativisation des barrières, des clivages. Le mimétisme semble impliquer l’idée d’initiation, l’accès à une culture qui n’appartiendrait pas à ses membres mais auquel chacun pourrait prétendre pourvu qu’il le voulût. Le mimétisme n’implique-t-il pas l’idée d’une dépossession de l’autre, de ce qui fait sa spécificité ?

   En ce sens, l’hypno-savoir paraît s’inscrire dans une logique conjonctionnelle au sens de l’astrologie axiale1 alors que l’hypnologisation relèverait d’une logique dite de quadrature, selon ce même système astro-historique. On opposerait ainsi hypno-savoir et hypnologisation. Comment est-ce possible ?

   En effet, cette opposition fait sens. D’une part, l’hypno-savoir qui est un processus d’accoutumance, d’automatisation, de sub-conscientisation déjà plus ou moins engagé et de l’autre, un projet d’intégration qui vise à s’étendre et à annexer de nouveaux supports. Décalage diachronique donc entre une entreprise qui débute (que nous avons appelée hypno+) et une entreprise qui a déjà un commencement de réalisation (que nous avons appelée hypno-) ; on admettra que la première couvre un champ, virtuel, beaucoup plus large que la seconde.

   On aura remarqué que, selon nous, le Livre est un leurre qui fait croire qu’il suffit de l’étudier pour accéder à ce qui appartient aux membres du groupe qu’il désigne et qui se désigne à travers lui. Si l’on prend le cas juif, c’est par le Livre, en effet, que le mimétisme à l’endroit ou à l’encontre des Juifs a pu s’exercer. Il suffirait de lire ce Livre, d’en emprunter les signifiants / désignants, pour devenir en quelque sorte Juif, à son tour, voire à la place des Juifs. Mais celui qui procède ainsi ne réduit-il pas ce faisant le problème de l’altérité à une simple question de langage, dont on pourrait changer comme on change de chemise ? Le Livre, c’est l’obstacle épistémologique qui met l’inné sur le compte de l’acquis, le diachronique sur celui du synchronique, qui substitue un paramètre d’espace à un paramètre de temps. Il suffirait donc de se déplacer dans l’espace pour devenir l’autre, faisant ainsi abstraction du critère de temps, de la profondeur de la durée.

   Apprendre la langue de l’autre, s’assimiler son ou ses livres, permettrait de s’en approprier l’identité. C’est là le fantasme du migrant qui franchit les frontières, passe les ports. On ne s’étonnera donc pas que certains aient adopté un certain discours auto-justificatif et voudraient que l’hypnologisation restât à la surface des choses, à l’échelle d’une vie d’homme, c’est-à-dire à leur échelle, à eux, en rupture (de ban) qu’ils sont le plus souvent avec leur filiation, étant en quelque sorte en quête d’adoption. Les juifs incarnent, à l’inverse, le refus du mimétisme, non pas qu’ils ne s’adaptent pas dans les pays où ils séjournent / demeurent mais; au bout du compte, ils restent Juifs, ce qui relativise singulièrement toute tentation mimétique. Chez eux, le Temps primerait donc sur l’Espace, d’où l’importance de la filiation plus encore que de la Tradition livresque, contrairement à l’idée que l’on s’en fait, eux qui seraient le peuple du Livre. Le Livre serait ainsi une fausse clef, une clef obsolète, pour accéder à l’être juif, dans tous les sens du terme. Peut-on devenir juif ? Le débat entre juifs laïcs et juifs religieux a souvent été occulté : la mouvance juive laïque est souvent liée, dans son émergence de la fin des années 1980, en France, à des problèmes de mixité, de mariage mixtes, faisant problème au niveau de la Loi., c’est-à-dire de la filiation matrilinéaire. Ce n’est donc pas tant une affaire de pratique comme on a bien voulu le dire mais d’accès à la condition de juif par l’ascendance, donc par le Temps et non par la conversion, qui est liée à l’Espace. Il est caractéristique que ces Juifs Laïcs aient déclaré, au cours de leurs Congrès / Conventions, qu’était juive toute personne qui était prête à s’identifier au destin juif. On est là en plein mimétisme, passant par l’adoption d’un certain langage, sinon de certains signes d’appartenance. Quoi que l’on pense de la Shah, force est de reconnaître que les nazis ne prirent pas la question juive à la légère et cherchèrent à appliquer une définition objective et non pas subjective de la judéité. Or, si nous savons parcourir l’espace, nous ne savons pas (pas encore en tout cas) voyager dans le temps encore que l’Histoire puisse être falsifiée, au niveau des textes, des documents, des monuments. Qu’est-ce au vrai que la pratique juive, ce qui rejoint la question de Georges Friedman ?2 Il y a des rituels juifs mais il y a également un mode juif d’être et qui lui ne se décrète pas voire ne s’imite pas. Quelque part, l’hypno-savoir, c’est ce qui ne s’imite pas, qui ne s’acquiert pas, puisque imiter, c’est acquérir ou croire pouvoir acquérir.

   Cela dit, le mimétisme s’inscrit, involontairement, dans une logique hypnologique, en ce qu’il se place dans un prolongement, qu’il satellise ceux qui le pratiquent par rapport au modèle ainsi suivi et poursuivi et à la longue, il est clair que le Temps accomplit son œuvre et transforme le mimétisme, l’institutionnalise et l’ancre dans l’irréversible, tant il est vrai que l’erreur est créatrice. Il est des liens irrévocables entre l’anglais et le français comme entre le christianisme et le judaïsme, entre la femme et l’homme, pour prendre trois exemples frappants, mais la question est de savoir à quel niveau, à quelle profondeur, cela se situe. Tout le monde peut apprendre une langue, adhérer à une croyance, emprunter certains propos. Mais en quoi, demanderont certains, non sans un certain cynisme, peut-on distinguer le vrai du faux, l’original et la copie ? C’est tout le problème des contrefaçons, du faux ancien, de l’antidaté.3

   Saint Paul a déclenché, au Ier siècle de notre ère, un considérable processus mimétique envers les Juifs - les païens se sont pris pour des Juifs et ont profité de la crise qui traversait le monde juif quant à ses attentes4 tandis que Hitler, dont les origines juives sont envisageables, a voulu y mettre fin, au XXe siècle, en montrant que l’on n’échappait pas à sa judéité pas plus qu’on ne pouvait s’y convertir. Hitler a rappelé combien les Juifs étaient un peuple à part, enfermé dans un destin qui transcendait toute adhésion religieuse formelle, ce qui explique que l’on ait pu s’en prendre à des enfants, et qu’aucun juif ne puisse être déclaré “innocent”, selon la malheureuse expression de Raymond Barre, à la suite de ce qui se passa rue Copernic.

   Le mimétisme, ce sont des habits dont on se vêt et dont on se dévêt, à loisir, c’est un masque que l’on porte ou que l’on enlève, comme cela nous arrange, c’est une instrumentalisation de l’autre. En ce sens, Saint Paul a raison : il faut que l’autre nous décharge de par sa démarche mimétique, de ce dont nous sommes porteurs, donc il importe de faire appel à ce qui n’est pas nous. L’attente hypnologique consiste à trouver un autre qui nous remplace et qui, ce faisant, nous libère. Mais celui là, ce faisant, se place en position subalterne puisqu’il sacrifie son être à ce mimétisme, tout comme l’anglais cessa d’être une langue germanique pour se franciser. Dès lors, il ne fait pas problème que la femme imite l’homme, puisque ce faisant elle lui ôte un poids, mais ce faisant elle s'aliène en raison de cette instrumentalisation qu’elle s’impose et qui s’impose à elle-même.

   Il convient cependant de préciser que toute instrumentalistion génère la formation de liens entre celui qui instrumentalise et celui qui est instrumentalisé, comme il existe un lien entre hommes et astres, alors que les astres n’en peuvent mais. On peut ainsi penser que les juifs ont développé avec le temps un rapport particulier avec les chrétiens non juifs, sans pour autant que les non juifs aient changé de nature, pas plus que les astres n’ont, du fait de leur instrumentalisation par certaines sociétés, changé de nature. On comprend donc que ce mimétisme ne conduise pas pour autant à un hypno-savoir sinon chez celui qui instrumente. L’hypno-savoir ne serait donc pas de l’ordre du mimétisme, car il passe par la transformation de l’être instrumentalisant et non pas de l’être instrumentalisé ainsi que par le techno-savoir qui concerne des objets non susceptibles, stricto sensu, des objets non susceptibles, stricto sensu,. de développer des hypno-savoirs, du moins point par ce biais là mais par des modalités qui leur seraient propres, et seraient fonction de leur dynamique hypnologique spécifique, laquelle risque cependant d’être entravée par le dit mimétisme.

   Celui qui instrumentalise évolue nécessairement, en changeant son rapport au monde, celui qui est instrumentalisé évolue peu sinon en miroir par rapport au premier, en quelque sorte par procuration. D’où l’importance des Juifs pour les Chrétiens et leur implication dans l’avenir des Juifs.5 Celui qui instrumentalise l’autre redéfinit son lien avec son environnement, son voisinage. Le paradoxe du mimétisme technologique est d’aider l’autre à nous ressembler; ce n’est évidemment pas la machine - du moins jusqu’à preuve du contraire, qui, de son propre fait, cherche à nous imiter. Celui qui nous imite n’échapperait donc pas à une certaine manipulation. Celui qui sculpte un certain matériau ne change pas le dit matériau quand bien même lui confère-t-il des formes et des usages inédits.

   Bien plus, celui qui imite risque de perdre contact avec ce qu’il est et de ne plus être en mesure d’assumer son activité propre, au risque de dysfonctionnements, au profit d’une quête mimétique qui vient la parasiter, la sur-charger.6 En revanche, celui qui instrumentalise met en place un système relativement harmonique, dont les composantes, bien qu'hétérogènes, convergent vers un but commun, celui de l’instrumentalisant. Autrement dit, si l’instrumentalisation décharge, allège, le mimétisme, en revanche, charge, s'additionne et donc alourdit. L’nstrumentalisation est une praxis, s’inscrit dans une action tandis que le mimétisme se situe d’abord sur un plan formel et finalement conduit à terme à se faire instrumentaliser par l’autre, au sein d’un projet qui n’est pas sien. En effet, l’acte d’instrumentalisation s’applique sur un objet “vide” ou vidé de sens, auquel on confère une signification, une place au sein de notre système, c’est la logique de l'espace vital (Lebensraum), du débordement, tandis que le mimétisme se branche sur un objet “plein”, saturé, de sens et qui est supposé combler notre sentiment de vacuité. On conçoit, dès lors, que ces deux approches puissent se compléter et que celui qui instrumentalise, qui émet, qui déverse, s’accorde avec celui qui mimétise, qui reçoit ou qui prend et vice versa.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 août 2003

Notes

1 Cf. nos études sur ce sujet, in Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

2 Cf. Fin du peuple juif ?, Paris, Gaillard. Retour

3 Cf. nos travaux dans la rubrique Nostradamica,, sur E H. Retour

4 Cf. notre étude “L’attente hypnologique”, sur E. H. Retour

5 Cf. Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

6 Cf. notre étude sur le réseau de signifiants anglais, E. H., rubrique Gallica. Retour



 

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