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HYPNOLOGICA

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Vieillissement et féminisation

par Jacques Halbronn

    Il semble bien que la dimension féminine chez l’homme soit fonction de son état de santé tant physique que mental. Quand nous tombons malades, nous tendons à basculer vers le féminin. Un vieil homme ressemble plus à une vieille femme qu’un jeune homme à une jeune femme.

   La maladie nous féminise en ce qu’elle nous contraint à penser à “nous”:, ou plutôt qu’elle introduit une dualité, une limitation de notre liberté. Il y a nous et notre corps et ce corps là, il n’y a que nous qui le connaissions, qui le sentions. Tout d’un coup, notre “moi” devient plus concret, plus palpable, et au fond plus personnel. Nous avons des comptes à lui rendre et en tout cas, pour un tant au moins, ne pouvons pas l’ignorer, rester sourd à ses desiderata.

   La dépression nerveuse est également susceptible de nous féminiser, ainsi que toutes formes d’obsessions, d’idées qui nous trottent dans la tête, dans “notre” tête, qui ne sont qu’à nous, constituant une sorte de jardin secret, aussi sordide fût-il.

   La surdité a également cette vertu par l’isolement qu’elle entraîne et dont elle est d’ailleurs parfois la conséquence. Nous tendons alors à nous fermer au monde, à avoir des difficultés à participer à un débat à plusieurs, bref nous nous replions, peu ou prou, sur nous-même.

   Quant au vieillissement, à l’avancée en âge, cela nous féminise de par le poids croissant du passé, que nous tendons à ressasser, par le fait que nous ne sommes plus aussi libres de nos mouvements, que nous devons nous ménager et finalement parce que nous nous marginalisons peu à peu.

   La dégradation de nos facultés physiques et mentales conduit à notre féminisation et réduit, ipso facto, le fossé entre hommes et femmes. On le voit d’ailleurs, dans les hôpitaux, lieu par excellence de la psyché féminine, le malade étant nécessairement féminisé, c’est-à-dire renvoyé à ce qui se passe en lui qui l’obligé à prendre du champ par rapport à une vie sociale normale.

   Quand je dis “je me ménage”, j’utilise une forme réflexive, comme lorsque je dis “je me demande si”. Qui demande à qui ? La réflexivité présente selon nous un caractère féminin. Il y a des formes verbales qui féminisent parce qu’elles sous entendent une sorte de dialogue avec soi-même, qui ne semble pas aller de soi, puisqu’on en parle. “Je me demande”, ce n’est pas la même chose que “Je vous demande”, s’adressant à une ou plusieurs personnes. Le féminin est intrinsèquement réflexif, il est en dialogue avec lui-même plus qu’avec autrui.

   Non pas que les hommes ne puissent pas dire “je” mais c’est un je moins lourd, plus abstrait. C’est le moi du cogito, qui parle au nom de tous. Quand Descartes parle du cogito - je pense donc je suis - il ne parle évidemment pas de sa seule petite personne ! Le je masculin aurait quelque vocation à l’universel.

   Evitons les analogies : le “je” de l’homme n’est pas le “je” de la femme, il ne pèse pas du même poids et en fait il n’a pas le même sens. Quand la femme dit je, c’est de “son” je qu’il est question, avec tout ce qui peut le caractériser, tout ce qui lui est spécifique. En revanche, quand l’homme emploie la première personne du singulier (ou éventuellement du pluriel), il s’agit de tout autre chose : il apporte sa contribution en tant que membre du groupe. Par exemple, si on a dit une chose avant lui, il ne va pas la répéter parce qu’il pense pareillement, il évitera la redondance. Il la discutera, il apportera sa pierre au débat mais en tenant compte de ce qui a déjà été dit et s’il n’a rien à ajouter, il se taira. C’est donc un moi à géométrie variable, qui s’exprime différemment selon les contextes, les rapports de force. Tandis que le moi féminin est plus entier - on parle d’un caractère entier - il a besoin de s’exprimer et peu importe si ce qu’on a dit avant lui fait double emploi, de toute façon, cela ne peut pas être pareil puisque cela émane de quelqu’un d’autre, n’est-ce pas ?

   Avec le vieillissement, nous perdons cette souplesse, cette écoute, cette rapidité d’expression et nous aimons nous écouter parler, dire ce que nous avons à dire, bref nous faire entendre même si cela ne fait pas avancer le schmiblic, la cause commune.

   Les femmes seraient donc vieilles avant l’âge. Elles font preuve d’un certain raidissement dans les négociations, et la notion de compromis leur est difficile car elle est abstraite : ce n’est ni l’un, ni l’autre, c’est une solution intermédiaire, une résultante qui ne satisfait vraiment aucune des parties. C’est pourquoi, fréquemment, les femmes ne prennent pas les compromis au sérieux et s’autorisent à se désister comme s’il s’agissait de quelque chose sans véritable réalité. A contrario, les hommes sont mieux capables de compromis, d'accommodements et de tenir les engagements qui en découlent, en ce sens, leur sociabilité est d’une autre trempe que celle des femmes et c’est ce qui fait leur force.

   Au vrai, la notion de compromis est-elle subtile, elle pèse le pour et le contre, elle tend à trouver un arrangement équitable, en prenant en compte un grand nombre d’éléments en les articulant en une sorte d’équation, à plusieurs inconnues.

   Parfois, les femmes font effort pour accéder à des compromis, mais ça leur coûte, cela leur semble une cote mal taillée et elles n’auront pas grande difficulté à les renier, à les moquer. Pour elles, l’idéal serait que tout se passe comme cela leur convient le mieux, tout le reste, ce sont des concessions qui exigeront d’importantes contreparties, ce qui risque de conduire à des situations rapidement invivables parce qu’exorbitantes. Elles font payer très cher ce à quoi elles renoncent au lieu de comprendre qu’il s’agit là d’un moyen terme. Ou plutôt c’est le “moi” de la femme qui va protester contre son côté masculin qui s’est laissé embarquer. On retombe sur le problème de la dualité intérieure de la femme entre son personnage social et son ego.

   Certes, la femme assume-t-elle une certaine présence sociale, ne fait-elle pas des enfants ? Mais il s’agit là d’une sociabilité programmée, en quelque sorte subconsciente où ses pulsions internes font sens socialement, selon un processus depuis longtemps intégré. Il est vrai que chez la femme, son intériorité est porteuse, de facto, d’une certaine implication. On dira que la femme assume sa sociabilité malgré elle, ou du moins à un niveau qui lui échappe et qui relève de ce que nous avons appelé les hypno-savoirs et qui pourrait aussi renvoyer à une forme d’instinct. La sociabilité animale est de cet ordre là. Pour l’animal, le moi et le groupe se rejoignent selon une sorte d’harmonie préétablie qui veut que ce qui est bon pour l’un l’est pour tous.1

   Tant qu’on reste dans un registre lié à des comportements très anciens pour l'espèce humaine, la femme assure; en revanche, quand on se situe dans la modernité, dans ce qui se passe dans le groupe par delà sa survie et ses automatismes nécessaires, la femme fait problème et vice versa, il faut le reconnaître, l’homme assume mal les contraintes fondamentales propres à l'espèce et à sa reproduction, y compris au niveau éducatif (apprentissage chez les enfants de la parole, de la lecture, de la propreté etc).

   La femme est donc plus vieille que l’homme et l’homme en vieillissant la rejoint, il s’alourdit de souvenirs, d’une expérience, d’une déformation professionnelle, son acquis, en quelque sorte, tend à devenir une seconde nature, il est aux prises à certains automatismes et surtout il doit de plus en plus ménager son corps, faire attention “à lui”; il est également amené à se raconter plus souvent, à transmettre ce qu’il sait, plus qu’à débattre.

   On nous dit2 que les femmes ont du mal à vieillir : est-ce là un paradoxe ? Certes, elles ne peuvent, au delà d’un certain seuil, faire des enfants; leur corps est probablement moins séduisant voire moins accueillant. Et il est vrai que les hommes ne sont plus des enfants disposés à ce qu’on leur fasse la leçon, qu’on les éduque. En prenant de l’âge, eux aussi, on l’a dit, sont susceptibles de transmettre, de rappeler, de former. Peut être chercheront-ils chez des femmes plus jeunes ce qu’elles ont de masculin, de léger, d’ouverture au monde ? Entre un homme et une femme âgés, y-a-t-il encore complémentarité ?

   Mais il est possible aussi, qu’avec l’âge, les femmes ont acquis un certain savoir vivre, au contact de la société masculine, qu’elles ont fini par se masculiniser, par dépasser certains cotés égotistes de leur nature. Et puis avec l’âge, l’homme sent l’approche de la mort et recherche plus ou moins inconsciemment un alter ego apte à lui survivre, à le prolonger. La mort est un domaine féminin, celui du mimétisme de la vie, celui de l’héritage. La femme vieillissante a vocation à être veuve, c’est là son dernier rôle. Elle est celle qui accompagnera l’homme jusqu’à sa fin et qui lui succédera, en quelque sorte, par un devoir de mémoire, à condition qu’elle s'imprègne de son compagnon.

   La mort, c’est le moment de la transmission au delà de sa génération. Se pose la question de la transmission des caractères acquis, le passage de certains savoirs au stade subconscient voire au stade génétique. Avec la mort, tout ne s’efface pas et la femme est témoin d’une certaine pérennité qui permet à celui qui naît de disposer d’emblée d’un certain bagage. La naissance est le corollaire de la mort, elle en est quelque part la négation et le dépassement. La mort, c’est l’occasion d’un bilan, c’est le retour à l’essentiel, c’est alors que l’on sait ce que l’homme laisse derrière lui de déterminant. Et en ce sens, l’homme rejoint la femme qui fonctionne aussi, dans ses profondeurs, dans l’essentiel et non dans le superflu, qui est en phase avec ce qui laisse son empreinte, qui est dans la décantation. C’est le temps de songer à ce qui subsistera après nous, de qui dépasse notre personne et interpelle la postérité, dans tous les sens du terme.

   Avec le vieillissement, en tout état de cause, vient l’âge de la retraite, qui implique que l’on dépende de la société, de sa plus ou moins bonne organisation. La présence auprès de lui d’une femme rassure l’homme, au delà d’un certain âge, plus qu’auparavant. Quelqu’un qui pourra s’occuper de lui et ce d’autant que la vieillesse - la sénilité - est parfois un retour à l’enfance.

   Par cette brève étude, nous avons voulu concrétiser notre représentation du féminin, passer d’une description synchronique à une description diachronique: la femme peut être appréhendée au travers du Temps. Elle a plus à apprendre de ce que le Temps lui a légué, en ses gènes, en sa mémoire innée, qu’au travers de l’espace social qui l’environne. Le temps passant, l’homme forcément ne peut que se féminiser, quand il est sur le déclin de sa vie d’homme, cigale plutôt que fourmi. Il a chanté tout l’Eté et voici l’automne de la vie, il est temps qu’il pactise avec la femme-fourmi, qui saura gérer, exploiter, stocker, faire fructifier et finalement pérenniser.

Jacques Halbronn
Paris, le 26 août 2003

Notes

1 Cf. nos études sur la “nouvelle lecture de l'individu”, sur Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

2 Cf. R. Lemoine-Darthois, E. Weissman, Elles croyaient qu’elles ne vieilliraient jamais. Les filles du baby-boom ont 50 ans, Paris, Albin Michel, 2000. Retour



 

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