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HYPNOLOGICA

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Caractères acquis et socio-biologie

par Jacques Halbronn

“Quoique très persécutés, ces oiseaux (des îles Galapagos) ne deviennent pas sauvages en peu de temps“ écrit Charles Darwin, précisant que leur sauvagerie est acquise de façon héréditaire au bout de plusieurs générations.1

   Nous voudrions montrer à quel point le refus actuel de la thèse de la transmission des caractères acquis a pu marquer dramatiquement le XXe siècle. Le monde des hommes ne s’invente plus, il est à découvrir.

   Citons les propos de Jean-Pierre Changeux, auteur notamment de L’Homme neuronal :

   “Les normes morales ne sont pas indéfiniment variables d’une culture à l’autre : elles sont bâties sur des dispositions innées communes à l’espèce humaine. Elles s’appuient par contre sur des habillages symboliques de révélations surnaturelles et de textes sacrés éminemment contingents, d’une culture à l’autre et qui prennent parfois le pas sur les obligations naturelles. On peut se demander si nous ne disposons pas en nous-mêmes d’un corpus de sentiments moraux et de dispositifs cognitifs, suffisants pour poser les bases d’une éthique de type universel s’imposant d’elle-même au delà des traditions philosophiques, culturelles et religieuses. Ce serait le retour aux dispositions naturelles propres à l’espèce humaine, en quelque sorte, la revanche de Diderot contre Helvétius et Rousseau.”2

   Changeux parle d’une neuro-éthique, ce qui équivaut, grosso-modo, à ce que nous appelons socio-biologie. Cela conduit à une relativisation du rôle du livre, de la Tradition “externe” au profit de la transmission “interne”.3

   I - Les femmes et le consensus

   La femme a parfois le sentiment que le monde est ligué contre elle. Elle, qui est toute seule est confrontée à des réseaux, à des ensembles de personnes qui se connaissent et se reconnaissent et qui renonceraient à leur indépendance pour se soumettre, se placer au service d’une cause commune. Il y a de la part de la femme une résistance à un tel processus que nous avons déjà largement décrite dans de précédentes études.4

   Certes, la femme se plie-t-elle à des phénomènes de mode, ce qui peut donner l’impression d’une concertation entre femmes. Mais cette mode reste en surface - c’est un signifiant sans signifié, un code qui ne renvoie à rien qu’à lui-même - si on la compare au consensus masculin lequel concerne les opinions. Communiquer, c’est partir de ce qui est commun aux protagonistes et non pas parler de ce que l’on est seul à connaître. Plus on monte dans la hiérarchie de la Science et moins l’expression d’idées personnelles est tolérée. “Le moi est haïssable”, disait Pascal. Cela ne signifie nullement que l’originalité est empêchée, bien au contraire, mais elle doit féconder la communauté scientifique, la pénétrer. Si elle n’a pas une telle ambition ou une telle faculté, si elle n’est pas assimilable, elle n’intéresse pas. C’est toujours l’intérêt du groupe qui prime et chacun n’intervient que dans cette optique, pour faire avancer la recherche, pour y contribuer.

   Chez la femme, un tel sentiment que les choses s’organisent contre elle, l’union faisant la force, que les gens sont complices, de mèche, est perçu comme une grave menace. La technologie apparaît dès lors comme une circonstance aggravante, en ce qu’elle estompe les distances et accélère les rapprochements . En fait de communication, la femme est plus à son aise en tête à tête qu’en groupe, face à un autre individu qu’avec cet ensemble diffus qu’est une communauté de personnes en quête d’une résultante dépassant les cas particuliers.

   Elle ne comprend pas le rôle du consensus dans le fonctionnement de la pensée humaine. Sans consensus, il n’y a pas de communauté scientifique ou politique ou religieuse. Comme on dit, les grands esprits se rencontrent. Nous devons être capables de reconnaître la supériorité d’autrui et nous y soumettre, jusqu’à nouvel ordre, dans la mesure même où cette supériorité est fonction d’une force de conviction, de persuasion, de démonstration, qui fait souvent défaut à la femme. Un consensus s’instaure autour d’un projet et aucune communication ne fait sens si elle ne situe dans la perspective d’un objectif à atteindre et des moyens d’y parvenir.

   La femme ne sait pas reconnaître l’autre dans sa valeur intrinsèque mais seulement en tant qu’abstraction ayant des droits “comme tout le monde”. Il lui faut l’aval de la société pour savoir qui est l’autre, ce qui évidemment convient mal à l’éducation des jeunes enfants qui n’ont pas encore fait leurs preuves. A la différence de la mère, le père est susceptible de mieux savoir à qui il a affaire avec ses enfants. C’est pourquoi la carence paternelle pose à l’enfant un problème de reconnaissance.

   Pour sa part, la femme dépend plus des vivants que des morts. Elle puise dans son héritage génétique un précieux hypno-savoir qui compense singulièrement son isolement social. En s’assumant individuellement, la femme, en réalité, se plonge dans une sorte d’inconscient collectif.

   En refusant sa condition, la femme se met en situation d’étrangère, l’étranger étant, selon nous, celui qui veut se faire passer pour ce qu’il n’est pas et n’assume pas ce qu’il est, non pas en tant qu’étranger mais dans sa différence intrinsèque. “Connais-toi toi-même”, devrait-on dire à la femme au lieu de vouloir devenir l’autre. La sagesse chez la femme passe par une représentions juste d’elle-même et non par la dénégation de ce qu’elle est. Qu’elle assume donc cette parole de l’absence qui est la sienne et qui lui confère sa vraie dimension quand l’autre n’est pas là, qu’il est mort ou au loin, et qu’elle évoque son souvenir. C’est aussi le cas quand, fécondée et que l’homme est reparti, elle assure la suite, le prolongement. Mais dès que cet autre est de retour, son rôle est suspendu, jusqu’à nouvel ordre; à elle de collectionner des souvenirs pour quand il importera de célébrer sa mémoire. En d’autres termes, la femme est un être de mémoire, elle a vocation au veuvage. L’hypno-savoir de la femme l'entraîne vers ce qui est vestige, reste, parce que sa mission est de garder et de conserver, mais parfois, elle ne peut s'empêcher par un tropisme qui la possède, d’aller vers ce qui pourrit, vers la charogne, le vomi que chacun dégurgite. La femme est le croque-mort. Elle est dans l’absence de conscience, comme on dit qu’un mort a perdu conscience. C’est en étudiant le comportement de l’homosexuel masculin que l’on parvient à découvrir la psyché féminine; pour nous, ce personnage de l’homosexuel est castré, il ne peut plus creuser, approfondir le réel, il peut seulement le reproduire, le resservir. L’homosexuel ne nous intéresse pas tant par sa sexualité que par son rapport au monde qui passe en fait par une dépersonnalisation ; il se soumet au monde tant extérieur qu’intérieur plus qu’il ne le domine mais il n’a pas accès à une véritable rencontre avec l’autre, en tant que membre d’une communauté; comme chez la femme, sa socialisation est un processus qui lui échappe et qui le dépasse. Le problème, c’est que l’homosexuel n’a pas l’hypno-savoir de la femme, il n’en adopte que les apparences.

   Le phénomène Internet met en évidence un tel décalage entre nos tropismes et nos représentations alors que le cinéma, nous semble-t-il, est plus fidèle à nos hypno-savoirs. Au cinéma, on ne cesse de nous parler d’un homme d’un cinquantaine d’années amoureux d’une jeune femme de 25 ans alors que sur Internet, sur les sites de rencontre, on veut mettre ensemble un homme et un femme du même âge. Or, les hommes n’ont pas été programmés pour rechercher des femmes âgées mais bien pour se diriger vers un éternel féminin, marqué par la jeunesse et la capacité à procréer, qui reste une / la tâche essentielle au niveau hypnologique, dans la mesure où le culturel se transmet, pour une bonne part, par le truchement du génétique. Cependant, ne peut-on dire que les hommes savent chercher, trouver et apercevoir en toute femme, quelle qu’elle soit, la dimension de jeunesse dont ils sont en quête ?

   La sexualité “rentrée”, observée par les psychanalystes, à propos du corps de la femme correspond à un certain comportement relationnel. La femme n’expose pas et ne s’expose pas. On dira que la femme ne donne pas prise. Elle préfère être pénétrée que de pénétrer. C’est à l’autre de s’exposer, de s’exhiber, de s’avancer. Comment communiquer à partir d’une telle approche de l’autre ? Il y a là matière à stratégies. Cela consiste souvent à refléter l’autre, à le renvoyer à son propre discours. C’est toi qui l’as dit. Elle ne ferait que répéter et ce faisant elle ne s’expose pas vraiment. Ou bien elle ne fait que relater, rapporter des “faits” indiscutables. Ou bien, encore, elle ne parle que de ce qu’elle est seule à connaître, de ce qu’elle a fait et que l’autre ignore. Ou bien elle ne parle qu’en l’absence de l’autre qui ne pourra la contredire. Bien des précautions sont prises pour ne pas s’exposer directement, dans une rencontre où l’autre pourrait la mettre en difficulté, menacer son moi, lui infliger quelque blessure narcissique. Le propos de la femme ne donne guère prise. Son moi est enfoui mais en même temps, il est tout puissant, dans sa citadelle inexpugnable. La femme devise pour régner car elle ne redoute rien tant que la constitution des réseaux masculins. Dans le couple, l’homme est à sa merci dans la mesure même où il est seul. Or, dans le face à face, la femme est plus à son aise que l’homme alors qu’elle est en position d’infériorité face à la communauté des hommes.

   Face à ce pouvoir féminin implacable parce qu’insaisissable, il y a des réactions mimétiques. On veut faire comme elle, être un mur, une muraille devant laquelle l’autre viendra se casser le nez. Mais cela se fait au prix d’une castration puisque seule la castration évite de s’exposer. On voit donc que la stratégie de la femme a un coût : pour ne pas s’exposer, se montrer, on se castre.

   L’homosexuel masculin prend modèle sur la femme, sur la mère. Il se castre, du moins celui qui adopte la position passive. Il préfère être pénétré dans sa bouche et dans son sexe que de pénétrer, s’aventurer à l’intérieur de l’autre. Ce qui relève d’une certaine forme de claustrophobie. Il préfére accueillir qu’être accueilli. Mais la parole de l’homosexuel obéit aux mêmes principes : une parole lisse, c’est-à-dire que l’on peut écouter mais non pas discuter. En parlant de soi, de ce que l’on a fait, on exclue ipso facto l’autre, qui n’était pas là. On joue sur l’absence de l’autre. On ne parle de lui que par quelque biais / détour. En fait, chacun reste sur ses positions, conserve son “point de vue”, il n’y a donc pas de vraie rencontre avec l’autre. Cela dit, l’autre peut s’exposer mais il n’y aura pas de réciprocité, on ne lui répondra que sur des points de détail, sur des évidences. Mais qu’il ne s’imagine pas qu’on se mettra à sa merci, au risque d’exposer son moi aux coups de griffe de l’autre. A la moindre alerte, on se retire, on s’enferme et on n’a plus de comptes à rendre qu’à soi-même. Il faut que l’autre sache qu’il ne compte pas ou du moins qu’il ne compte qu’aussi longtemps qu’on le jugera bon. Mais si nécessaire, on le renverra aux oubliettes. La présence de l’autre est toujours probatoire. Le probléme de la femme, c’est qu’elle ne sait pas convaincre, elle peut seulement séduire, c’est-à-dire attirer à elle alors que convaincre implique d’aller vers l’autre et de l’amener à changer ses représentations, ce qui implique quelque part une dépossession. Celui qui a peur d’être dépossédé de ses idées, de voir celles-ci discutées, débattues, critiquées, désarticulées, ne peut que basculer du côté du féminin, où il se sentira plus en sécurité, plus inattaquable. Mais cela se fera au prix de propos qui tendront vers l’insignifiance, dans tous le sens du terme, vers l’inconsistance, d’une perte sensible d’interactivité.

   En fait, il semble bien, au risque de choquer certains, que les femmes n’aient pas accès stricto sensu à la propriété intellectuelle. Entendons par là que les femmes ont avant tout vocation à véhiculer, tant physiquement qu’intellectuellement. Une femme n’est pas censée s’exprimer en son nom propre mais en celui de son mandataire. Quand elle en change, elle change ipso facto de position. La femme a une dimension exécutive qui n’est au demeurant nullement mineure, et ce d’autant qu’elle s’exerce fréquemment en l’absence du mandataire, absent ou décédé. Mais ce faisant, il lui est difficile de participer à un débat, autrement qu’en reproduisant le message dont elle est porteuse et dont elle n’est ni pleinement responsable, ni pleinement maîtresse, ce qui conduit facilement à un dialogue de sourds, où la communication se réduit à des communiqués successifs. La femme n’est pas à la source mais bien plutôt à l’embouchure, elle est en aval et non en amont.

   II - Les juifs et leur protection

   Nous avons expliqué ailleurs que l’individualisme féminin était du au fait qu’elle relevait en quelque sorte d’une autre communauté, non pas celle des vivants mais celle des morts. En tant qu’individu, elle est en fait porteuse de savoirs, de pouvoirs qui ne doivent pas grand chose au monde environnant mais beaucoup aux gènes, à une certaine mémoire instinctuelle. En ce sens, la femme est une sorte de livre ouvert et il serait grand temps de comprendre à quel point les êtres humaines sont riches en connaissances, en savoirs faire innés. Refuser ce fait revient à ne privilégier que la culture institutionnelle, léguée par le groupe environnant. Respecter l’autre, c’est reconnaître la valeur de ce dont il est porteur intrinsèquement par delà les enseignements que l’on peut acquérir. Il convient d’apprendre à accéder à ce type d’hypno-savoir.

   Le cas des Juifs est intéressant, à ce propos, et il serait temps d’en prendre conscience ; ils sont les véhicules de certains hypno-savoirs particulièrement précieux et ils ne sauraient être remplacés par d’autres populations sous prétexte qu’elles seraient capables ou désireuses de se judaïser en assimilant quelque ouvrage. Le vrai savoir faire des juifs est en eux et croire qu’il est dans leurs livres serait une invitation à les exterminer, puisque l’on pourrait se passer d’eux désormais, une fois leur savoir transmis par le Livre.

   C’est pourquoi nous pensons qu’il faut protéger les Juifs et non le judaïsme. La vie est plus riche que le Livre et l’anthropologie plus utile que l’Histoire quand il s’agit de remonter très loin dans le temps.

   On voit que notre approche aboutit, paradoxalement, au commencement de ce Troisième millénaire, à privilégier le vivant sur le culturel en ce que le culturel a largement imprégné le vivant et que ce qui ne l’a pas fait est un épiphénomène.

   D’où notre proposition de protéger certaines populations en les considérant comme patrimoine de l’Humanité. Cela aurait du être fait au lendemain de la Shoah. Car quel est l'enseignement de cette extermination de six millions de Juifs, sinon de révéler le caractère pervers du Livre dès lors qu’il se substitue aux êtres humains dont il émane.

   En tout état de cause, nous entrons dans un monde où l’individu sera situé par rapport au groupe dont il émane non pas culturellement mais biologiquement ou si l’on préfère socio-biologiquement. Sa valeur sera fonction de ses caractéristiques socio-biologiques lesquelles seront perçues comme des vecteurs privilégiés d’information. Les banques de sperme se multiplieront et l’on préférera cloner certaines populations que de faire appel à des éléments étrangers dont l’intégration sera généralement considérée comme très relative et superficielle.

   Cela dit, le juif ne s’épanouit pas pour autant dans l’errance mais par l’acquisition et l’intégration des savoirs propres à une culture donnée, là où il se trouve et de préférence depuis plusieurs générations. Car un hypno-savoir qui est conscience, au sens ici d’une certain sens inné de l’orientation - et conscience et subconscience se rejoignent - n’en a pas moins besoin d’un savoir, qui est science pour pouvoir s’exprimer pleinement.

   Le juif de souche française, que nous distinguons radicalement du juif étranger en France, constitue l’antithèse de l’immigré américain non juif. Il appartient à deux cultures qui ont été considérablement imitées.5 On ne compte plus les peuples qui ont voulu s’approprier la religion juive, donc se judaïser, s’agréger à la nation française, franciser leur propre langue et finalement se faire passer pour juifs ou / et comme français., bref envahir les espaces juifs ou / et français. Plus que de persécution, ce qui caractérise le sort du juif, c’est l’imitation dont il a fait l’objet. Garde-moi de mes amis, de mes ennemis je me garde ! Les juifs et les français ont beaucoup souffert de la part de ceux qui les ont tant aimés qu’on finit par les confondre avec eux. Mais la question qui se pose : est-ce que l’on peut sérieusement se “convertir” au judaïsme et est-ce que l’on peut si facilement devenir français, à part entière, par on ne sait quel miracle ? Le principal problème théologique des Chrétiens ainsi que des Musulmans concerne le droit des non juifs à entrer dans l’Alliance scellée par les Juifs avec cette entité qui s’appelle Dieu, laquelle s’inscrit dans une Histoire.

   Il convient aussi de rappeler que si la Révolution Française a accordé aux juifs de France un statut d’égalité, c’est probablement en raison d’un certain dialogue qui s’instaura entre juifs et non juifs avant et pendant cette période et cela aussi doit être mis au crédit des Juifs de France. Il y a un certain savoir faire qui s’est transmis de génération en génération et dont n’ont pas bénéficié les juifs venus s’installer ultérieurement en France métropolitaine.

   III - Les étrangers, et les équivalences

   Comment situer dans ce contexte la présence des étrangers ? Que véhiculent-ils ? Quels problèmes posent-ils aux sociétés qui les accueillent, qu’ils infiltrent ? Nous dirons que les étrangers encouragent les ambiguïtés. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils tendent à favoriser la thèse de l’acquisition des savoirs par transmission livresque. L’étranger bafoue l’idée de filiation et encourage l’idée selon laquelle nous ne recevrions rien d’essentiel de nos parents, sinon dans le cadre d’un certain bain culturel, à part quelques traits physiques. Or, pourquoi cette transmission héréditaire en resterait-elle là ?

   L’étranger est favorable à la conversion, c’est même ce qui justifie sa présence ailleurs que chez lui. Il peut en savoir autant que quiconque du moment qu’on laisserait le mimétisme agir et qu’on lui enseignerait ce qui constitue les normes sociolinguistiques en vigueur. En ce sens, les populations seraient interchangeables. Le problème de l’étranger se réduirait à se détacher de son milieu d’origine.

   On perçoit ainsi les dégâts du rejet de la théorie de la transmission des caractères acquis. Ils sont d’ailleurs liés au christianisme, lequel a prétendu avoir assimilé les enseignements du judaïsme, tout en renonçant à respecter les filiations génétiques. Il suffisait, disait-on, d’adopter certaines pratiques pour devenir juif puisque tel était l’objet initial du christianisme : renforcer un certain courant du judaïsme contre un autre en favorisant les conversions au dit courant.

   Cette condition d’étranger vaut d’ailleurs aussi pour bien des juifs qui ont été déracinés, pour diverses raisons, par rapport à une culture qui était celle de leurs ancêtres, en divers pays du monde. Car, à un niveau certes plus superficiel, on ne saurait sous-estimer le rôle du Temps, quand bien même ne s’agirait-il pour des phénomènes plus récents, que de manifestations ne se situant pas encore au niveau génétique Il ne faudrait quand même pas au nom du génétique ignorer le rôle joué par une présence séculaire et constante en certains lieux.

   C’est pourquoi nous pensons que la protection des Juifs passe aussi par leur maintien et leur permanence au sein des diverses cultures qui les ont accueillis et auxquelles ils se sont intégré. Nous ne sommes, en effet, nullement en faveur d’un rassemblement des juifs du monde entier en un seul point du globe car il y aurait alors une immense déperdition quant à l’apport de ceux-ci.

   En effet, l’hypno-savoir ne peut s’exercer que dans la mesure où l’on a accès à un certain terrain. Il ne s’agit pas, en effet, de connaissances factuelles qui seraient transmisses mais bien plutôt de méthodologies. Un enfant qui ne rencontre pas le langage ne le trouvera pas en lui-même, s’il est isolé.6 Il ne s’agit donc pas de minimiser la rencontre avec le monde extérieur mais de souligner que celle-ci ne sera pas la même selon l’hypno-savoir dont on dispose.

   Il peut donc y avoir chez quelqu’un un double déficit : manque de l’hypno-savoir nécessaire pour atteindre le but souhaité et manque de familiarité avec le corps concerné. Cela peut tenir à la présence d’hypno-savoirs non adéquats et de connaissances non pertinentes. Dans tous les cas de figure, on ne peut se permettre d’ignorer les origines ethniques de chaque individu, y compris bien entendu son sexe, et le milieu dans lequel il a vécu, sa connaissance de l’intérieur du terrain concerné, l’aptitude à s’y repérer avec plus ou moins d’aisance et surtout d’assurance.

   L’étranger est poussé à minimiser ces différents facteurs qui vont à l’encontre de son pari de conversion, de mimétisme, d’équivalence, de substitution. Il a une idée qui lui est propre de l’altérité et qui implique de devenir autre, de devenir l’autre. Et bien entendu, est réputée en situation d’étrangère, toute personne qui veut changer de statut, de condition et qui joue un rôle de composition. L’étranger, au sens où nous l’entendons, est celui qui refoule son hypno-savoir pour nourrir et alourdir son moi alors qu’une société est la somme des hypno-savoirs de ses membres et est fonction de ceux-ci. C’est dire que l’hypno-savoir n’est pas vraiment une affaire individuelle car les hypno-savoirs dont l’individu est dépositaire sont plus centripètes que centrifuges.

   Analysons la façon dont il s’y prend pour estomper les différences entre lui et sa cible. Il sera tenté de jouer sur les mots. Entendons par là qu’il se servira de toutes les ambiguïtés existantes pour contourner les obstacles, de tous les dysfonctionnements des systèmes en vigueur pour s’infiltrer. Exemple : il dira “je parle telle langue” alors qu’il n’en connaît que quelques mots mais cela ne suffit-il pas pour pouvoir déclarer cela ? Une mère d’enfant autiste n’hésitera pas à dire “il parle” quand il marmonne quelques paroles de chanson. On peut aussi dire “j’écris”, en laissant croire que l’on sait rédiger alors que l’on sait simplement recopier quelques mots ou “je lis” alors que l’on déchiffre l’alphabet sans comprendre (comme c’est souvent le cas pour les Juifs avec l’hébreu). Et tout à l’avenant. La plupart des mensonges se font par omission, par restriction mentale. Il y a un “mais” que l’on tait. “As-tu mangé ? ” Oui. Mais quoi, mais comment ? On apprend ainsi à manier la langue de façon à ne rien dire de compromettant. D’ailleurs, les langues sont des outils bien peu fiables pour celui qui ne sait pas, déjà, de quoi on parle et elles passent par certaines probabilités et certains en profitent pour se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas.

   On conçoit que celui qui appartient à une famille en processus d’immigration plus ou moins récent héritera d’un certain mode de comportement. Mais le fait de cultiver l'ambiguïté a un revers, c’est une absence d’assurance dans la mesure même où l’on recherche le flou. Ce manque d’assurance se traduit par la fixation sur quelques repères, un peu comme un nageur qui resterait dans le petit bain, à la piscine, pour ne pas perdre pied, étant entendu, justement, que de l’extérieur on distingue souvent assez mal petit bain et grand bain, si l’on ne fait pas attention. Il suffit que celui qui est dans le petit bain s’accroupisse pour faire croire qu’il est évolue dans le grand.

   Autrement dit, l’étranger est dans la mystification, le mirage, l’illusion, le trompe l’œil. un peu comme ces virus qui ne sont pas détectés par les anticorps tant ils ressemblent aux éléments internes. Les terroristes arabes qui se font sauter en Israël se déguisent en juifs pour parvenir à leurs fins. C’est-à-dire qu’ils adoptent des tenues typiques pour passer inaperçus ou plutôt pour ne pas être perçus pour ce qu’ils sont, un peu comme un prestidigitateur qui détourne l’attention : dans une main, il a un livre de prières et dans l’autre il cache une bombe.

   L’étranger se paie de mots, pratique le sophisme de façon à produire de trompeuses égalités. L’exemple classique consiste à rappeler que grammaticalement on emploie le masculin pour désigner conjointement un mot masculin et un mot féminin. C’est dire à quel point le langage se prête à toutes sortes de revendications. Nous dirons que l’étranger a un rapport quelque peu perverse au langage, en détournant les mots de leur véritable signification pour leur faire dire autre chose que ce qu’ils signifient dans le contexte. Et en cela, il est imprévisible puisque les apparences ne correspondent pas chez lui à la réalité. Il envoie des signes de façon irresponsable, c’est-à-dire dont il ne peut répondre, mis au pied du mur. Il dit quelques mots dans une langue mais il ne comprend pas pour autant ce qu’on lui dit. Chez lui, l’idée d’égalité est obsessionnelle, même si cela doit se réduire à une abstraction. Le socialisme attire les étrangers du fait d’une certaine idéologie volontariste et dirigiste. La devise Liberté, Egalité, Fraternité, propre à la Révolution Française, était marquée, au départ, par la volonté d’intégrer des populations très diverses et notamment les Juifs au sein de la société française.

   La femme, dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui, se place en situation d’étrangère dès lors qu’elle refuse de s’assumer en tant que femme ou qu’elle ignore ce que cela implique. La propension au divorce aura conduit notamment les femmes à jouer des rôles qui ne leur étaient pas impartis et à nier le clivage hommes / femmes ou à le réduire à des aspects relativement insignifiants socialement parlant. Ce faisant, elle n’a guère conscience de ses hypno-savoirs et du vrai rôle qui est le sien. Il y a là visiblement carence ontologique : celui qui n’est pas satisfait de ce qu’il est et qui ne se connaît qu’au travers du regard de l’autre, est tenté de croire qu’il peut devenir ce qu’il veut, qu’il suffit de vouloir. Le phénomène des sectes a un rapport avec ce processus de dénégation du passé. Que l’on songe aux mariages de la secte Moon, qui rapprochent des personnes de cultures et de langues différentes, au nom d’un nouveau discours qui, de par sa nouveauté même, place tout le monde à égalité. Au nom de la modernité, on veut souvent annihiler les clivages liés au Temps comme si l’Humanité ne devait pas sa richesse à l’expérience acquise au cours des siècles, des millénaires. Cette modernité nous apparaît comme un monde des ténèbres et de la grisaille - la nuit, tous les chats sont gris - où la lumière fait peur.

   Dans une précédente étude nous avions comparé la féminité à la vieillesse7, nous allons procéder, ici, à une autre comparaison, celle du statut féminin et de celui de l’étranger car nous pensons que les approches interdisciplinaires sont pédagogiquement fécondes.

   Toute personne qui se place en situation d’étranger par rapport à une société donnée qui n’est pas la sienne et dans laquelle cependant il demeure, tend à se féminiser, au sens où nous l’entendons.

   Si le vieillissement est un décalage diachronique, un mouvement à l’échelle du temps, l’exil serait un décalage synchronique, c’est-à-dire spatial.

   Disons qu’il est plus facile pour un étranger d’assumer un comportement féminin que masculin, cela lui est, en pratique, plus accessible. Et cela est assez révélateur de la différence entre le lien social au masculin et au féminin.8

   Dire que l’étranger se rapproche de la femme, être qui tend à se marginaliser, cela signifie qu’il y a une façon minimale de s’intégrer, qui est de l’ordre du féminin.

   Il nous semble que l’étranger tend à cristalliser son individualité, du fait de tout le poids d’un passé qui lui est spécifique et qui relativise son aptitude à se fondre dans le creuset social, sinon de façon assez superficielle. Or, selon nous, cette pesanteur, cette lourdeur du moi est singulièrement féminine. La femme porte en elle cette difficulté à se brancher pleinement sur le monde environnant, à être réellement en phase avec lui, sinon dans des termes d’échange assez frustes et réducteurs ; elle est en cela l’interface avec l’étranger qui peine à y pénétrer.

   L’importance que l’étranger accorde à la langue est significative: il croit qu’il lui suffit d’apprendre cette langue qui lui est “étrangère” pour que tout fonctionne au niveau de la communication. En réalité, la langue n’est qu’un outil bien imparfait, qui génère force malentendus dès lors que cela débouche sur une action, sur une décision prise en commun. La langue peut aussi bien servir à communiquer qu’à brouiller la communication. La langue, d’ailleurs, permet à l’étranger de s’intégrer, de montrer qu’il a fait effort pour dépasser son étrangeté mais en même temps elle révèle, par toutes sortes de signes, sa différence et son étrangeté, en ce qu’elle ne se laisse pas si aisément maîtriser.

   Les sociétés actuelles sont-elles capables de faire émerger de véritables élites, c’est-à-dire de conférer à leurs membres les plus performants des postes où ils pourront le mieux rayonner ? Nous pensons que l’incapacité à y parvenir constitue pour une société un considérable appauvrissement. Il est probable que les sociétés les plus hétérogènes soient handicapés à ce point de vue et souffrent d’un déficit dans le processus de reconnaissance non pas de l’autre en tant qu’abstraction mais de juste appréciation de sa valeur. La présence de personnes en position d’étrangers au groupe considéré hypothèque et compromet un fonctionnement efficace du recrutement des éléments les plus capables et cela tient à une carence du consensus, d’une croissance de la marginalité, c’est-à-dire à une incapacité pour le groupe de s’autogérer en désignant ses dirigeants et ses maîtres à penser les plus féconds et les plus dynamisants, les mieux capables d'entraîner, dans tous les sens du terme, l’ensemble des membres. En d’autres termes, un groupe constitué d’une proportion excessive de personnes incapables d’épouser les intérêts supérieurs du groupe par delà leurs enjeux personnels est voué à la médiocrité et est peu compétitif; Un des aspects du “mal français” est certainement lié à un tel syndrome. Les femmes et les étrangers, féminisés d’après leur situation existentielle, dès lors qu’ils participent à des élections, notamment, constituent des populations peu aptes à s’assimiler à une véritable dynamique consensuelle autour du principe : Que le meilleur gagne ! On comprend dès lors pourquoi ces deux populations n’ont été admises ou ne le sont pas encore à voter qu’avec bien des réticences. On sait aussi combien certains votes ont abouti, récemment, à des résultats assez étonnants. Dans la mesure où le vote est un mode d’expression et de formation du consensus, la définition / délimitation de ceux qui sont amenés à voter pourrait apparaître à l’avenir comme un facteur crucial. En revanche, rien n’empêche que le groupe puisse élire ou recruter un étranger à un poste important. La France, à diverses époques de son histoire, a su faire appel à des étrangers, de l’italien Mazarini au Corse Buonaparte. Mais une chose est d’être électeur, une autre d’être élu. Des femmes ont été ministres sous la IIIe République, notamment lors du Front Populaire, alors qu’elles ne pouvaient voter.

   On dira que le discours de gauche correspond à des orientations qui nous semblent suspectes ou du moins dont il convient de se méfier/défier de par leur caractère quelque peu chimérique même s’il existe effectivement une marge de manœuvre et si persiste dans le psychisme humain une dynamique de brassage. Un tel processus nous permet d’ailleurs de comprendre comment la civilisation. Le temps des empires et des conquêtes n’est certes probablement pas révolu et l’Europe n’est-elle pas fondée sur un certain dépassement des clivages, qui a, d’ailleurs, ses limites et ses reflux, pour ne pas parler de la mondialisation ? Il n’en reste pas moins que le poids du passé est considérable et qu’il convient avant tout d’apprendre à gérer, à vivre celui-ci au mieux plutôt que de s’échiner, assez vainement, à en minimiser l’importance. L’opposition entre le vivant et la machine est largement abusive, laissant entendre que l’homme est libre tandis que la machine serait programmée. Le XXIe siècle se chargera de remettre les pendules à l’heure et de montrer que le fossé est bien plus réduit qu’on pouvait le croire entre nous et les machines et qu’en tout état de cause, l’humanité n’est une que dans un sens très général et très vague. La conscience des différences entre les populations sera au contraire de plus en plus aiguë et sera considérée comme une richesse à exploiter et à préserver et non comme quelque chose à dépasser et à refouler. Cela devrait conduire à un plus grand respect de l’autre, non pas en tant qu’être humain abstrait mais comme dépositaire d’hypno-savoirs, plus ou moins sis en profondeur. C'est là que se situe la mémoire de l’humanité beaucoup plus que dans les livres. Plus que jamais, on se rendra compte que les êtres humains sont à déchiffrer et à décoder plus encore que les manuscrits et les vestiges archéologiques du passé. C'est à une archéologie de l’humain par l’humain et non par ce qu’il a produit en dehors de lui-même mais en lui-même que nous sommes conviés pour demain.

Jacques Halbronn
Paris, le 19 septembre 2003

Notes

1 Cf. N. Witkowski, Une histoire sentimentale des sciences, Paris, Seuil, 2003, p 205. Retour

2 Cf. “Le vrai, le beau, le bien à la lumière de la neurobiologie”, in revue Chroniques de la Bibliothèque nationale de France, n° 24, octobre 2003, p. 18. Retour

3 Cf. notre critique de l’ouvrage de Gérard Haddas sur les biblioclates, in Encyclopaedia Hermetica, rubrique Hypnologica, Site Ramkat.free.fr. Retour

4 Cf. sur Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Hypnologica. Retour

5 Cf. “la question juive, Dieu et l’Etat”, sur E. H. Retour

6 Cf. L’Enfant sauvage, film de Truffaut. Retour

7 Cf. in Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

8 Cf. nos études sur le “zar” et sur le “tselem”, sur E. H. ainsi que “psychanalyse de l’étranger”, Hommes & Faits, Faculte-anthropologie.fr. Retour



 

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