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HYPNOLOGICA

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Le regard de la femme

par Jacques Halbronn

    L’américain John Gray, dans ses travaux portant le label Mars et Vénus, a le mérite de réfléchir sur ce qui distingue les comportements des hommes et des femmes mais il nous semble qu’il reste trop en surface et que si ses descriptions sont souvent ingénieuses, ses explications nous paraissent assez insuffisantes. En outre, quelles conclusions tirer quant à ces différences ? Gray suggère de les accepter et d’en prendre son parti. C’est ce qui sera débattu dans la présente étude.

   Nous voudrions examiner ici ce “Je” au féminin qui nous interpelle et que d’aucuns qualifieront d’égotisme. Faut-il laisser les femmes comme elles sont ? demanderons-nous. Est-ce vraiment judicieux ?

   De nos jours, souvent, le moi féminin peut apparaître comme mal dégrossi. Le Larousse définit ainsi le verbe dégrossir : “Donner un premier façonnage à un matériau brut”. Un moi a-t-il à être dégrossi, décanté, affiné, épuré voire purgé de ses impuretés ?

   Nous voulons souligner le fait qu’effectivement certaines personnes ont des moi assez bruts et disons-le primaires et finalement assez lourds et pénibles à porter et à supporter.

   Autrement dit, hommes et femmes n’auraient pas la même qualité de moi et quand les uns et les autres s’expriment à la première personne du singulier, cela ne signifie ni n’implique exactement la même chose. L’usage du “je” est au coeur du mimétisme : l’enfant s’approprie très vite un “je” pour être comme les autres et sans toujours avoir conscience qu’un “je” se travaille, s’entraîne, se structure : tous les “je” ne se valent pas. Il y aurait de la démagogie à soutenir le contraire.

   Un “moi” mal dégrossi, c’est un moi resté un peu sauvage, dont le comportement social est immature. C’est un moi qui s’exprime sans se préoccuper de l’intérêt que les autres peuvent avoir à l’entendre se raconter. La femme est imbue de son moi, non pas nécessairement qu’elle se croie exceptionnelle mais elle veut le / se faire entendre, coûte que coûte et sans beaucoup de retenue ni de réserve.

   Les femmes n’ont pas vraiment conscience des risques de redondance. Dix femmes peuvent répéter l’une après l’autre à peu près les mêmes opinions, faire les mêmes observations sans que cela leur fasse vraiment problème alors que les hommes fonctionneront instinctivement de façon plus collégiale. Si dans un groupe d’hommes, une chose a été dite, elle n’a pas besoin d’être redite, une fois suffit. Ceux qui n’ont rien dit parce que ce qu’ils avaient à dire l’a déjà été ne se sentiront pas pour autant frustrés ni n’éprouveront de jalousie, ils chercheront à aller plus loin, à faire avancer la discussion, s’ils le peuvent. Mais pour les femmes, selon la formule consacrée, “ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire - c’est-à-dire à ajouter en sus de ce qui a déjà été dit - qu’il faut se taire”.

   Les femmes sont-elles mal élevées, mal polies ? Littéralement, ce qui n’a pas été bien poli - du verbe polir - est mal dégrossi. Polir, c’est gommer les aspérités, c’est élaguer, c’est conférer un aspect lisse à un objet. Un moi bien dégrossi est doté d’une certaine retenue, d’une certaine discrétion, d’une certaine pudeur.

   Beaucoup de femmes que nous connaissons sont obnubilées par leur “moi” comme si elles parlaient de quelqu’un dont elles ont la charge; paradoxalement, elles en parlent avec une certaine distance comme si ce moi leur échappait, ne leur obéissait pas, comme s’il faisait ce qu’il voulait et qu’il fallait le subir et le faire subir aux autres, bon gré mal gré.1

   Autrement dit quand un homme dit “je”, cela n’a pas tout à fait la même portée que lorsque c’est une femme qui le dit, d’où le risque d’une certaine confusion voire d’une certaine incompréhension. Le je au féminin enregistre, reproduit un vécu, à savoir celui qui lui a été donné à connaître là où il se trouvait, comme une sorte de radar sur une autoroute faisant son rapport de façon systématique sur ce qui se passe dans son champ de vision. Comme chaque radar couvre une zone différente, un radar ne peut en remplacer un autre qui observerait un autre espace Les femmes agissent un peu comme des radars : chaque femme veut parler de ce qu’elle a vu, là où elle était, quand bien même une autre femme aurait vu la même chose, puisqu’elle ne parle pas du même lieu. A chacun de montrer qu’elle fait bien son boulot et personne ne peut le faire à sa place, pense-t-elle. C’est comme une équipe postée à des endroits différents et dont chaque membre devrait indiquer ce qui se passe à son niveau et ce tour à tour, l’un après l’autre. A la limite, chacun devra déclarer “rien à signaler” mais personne ne pourra se substituer à l’autre puisque chacun est à son poste.

   Quand un homme dit “je” et qu’il n’est pas féminisé, il parle en tant que membre d’un groupe et il est supposé parler dans l’intérêt du groupe. Quand une femme dit “je” elle parle de ses affaires à elle, de ses états d’âme et en quelque sorte de ce qui l’oppose ou la distingue du groupe qu’elle perçoit, peu ou prou, comme une menace pour son moi. L’homme féminisé, aux tendances souvent homosexuelles, se remarque par son penchant pour les témoignages, pour signaler ce qui se passe dans sa vie ; il s’étend sur ce qu’il a fait, sur ce qui lui est arrivé et il considère que ceux qui s’intéressent à lui doivent l’écouter ou en tout cas le laisser se raconter. Le problème, c’est qu’il y a là un cloisonnement ; la personne qui s’exprime dans ce registre est la seule à savoir de quoi elle parle, elle ne risque pas d’ingérence, tout au plus peut-on lui poser des questions. Si elle dit “j’ai fait ceci hier soir”, qui pourra dire le contraire ? L’autre est réduit à la portion congrue. Dans le cas du moi social masculin, le je de l’un est en concurrence avec le je des autres puisque tous parlent de la même chose, partagent le même enjeu, il y a interpénétration, les moi ne sont pas enclavés.

   La présence d’un “moi” féminin dans un groupe casse la dynamique puisque l’autre nous parle de ce que nous ne connaissons pas et de ce qui ne nous concerne pas directement en tant que membre du groupe, de ce qui ne concerne pas stricto sensu le groupe. Bien sûr, on peut jouer sur les mots par une sorte de sophisme et soutenir que tout ce qui concerne, à quelque titre que ce soit une personne présente doit nous interpeller, ce qui pose le problème de l’individualité dans son rapport avec le groupe.

   En fait, la motivation de la femme ne se comprend que du fait d’une autre idée de la compétition sociale. L’image des radars utilisée plus haut est assez parlante. Il faut que chaque appareil soit performant, en état de marche, qu’il dise ce qui se passe depuis son point d’observation qui n’est pas celui de l’autre. En additionnant les rapports de tous les membres du réseau, ne se fera-t-on pas en effet une représentation globale voire exhaustive de ce qui se passe .... à l’extérieur ? Mais précisément là est tout le problème: intérieur et extérieur..Il y a un temps pour que le groupe regarde vers l’extérieur et un temps pour qu’il s’organise à l’intérieur. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant / devant les boeufs. La femme serait une sorte de garde-frontière, de douanier, de vigie, de sentinelle, voire de porte-parole plus qu’un membre concerné par l’organisation même du groupe et capable d’assumer des responsabilités dans sa direction. La femme répercuterait les informations qui lui parviennent : de l’extérieur vers l’intérieur ou de l’intérieur vers l’extérieur, elle aurait un rôle d’interface. Elle avertit le groupe de ce qui se trame à l’extérieur et elle sert de courroie de transmission, voire d’ambassadeur vers l’extérieur. Cette dimension d’extériorité de la femme est étayée par la pratique de l’exogamie, qui conduit la femme à aller vivre à l’extérieur du groupe, ce qui pourrait s’apparenter en une sorte de mission diplomatique ou mieux encore d'espionnage. Que l’on songe à une Marie-Antoinette accusée de trahison du fait de sa correspondance avec sa famille !

   Ce que John Gray n’a pas mis en évidence, dans ses publications sur le monde de Mars et le monde de Vénus, c’était la répartition des tâches. Gray présente les choses de façon empirique, sans la moindre perspective anthropologique. La femme est comme ceci, l’homme est comme cela. Point. Cela nous semble bien insuffisant car cette répartition des rôles a une raison d’être, une certaine justification liée à une certaine organisation sociale et impliquant une certaine complémentarité.

   En présentant, en effet, la femme comme ayant une mission d’observation, son comportement se conçoit mieux. Elle observe ce qu’elle a vu, ce qu’elle a perçu et elle le rapporte, le répété, le reproduit. Par ailleurs, elle est aussi amenée à transmettre des informations, des messages, ce qui rentre dans son cahier de charges. On pourrait même ajouter que la femme est le regard de la société sur l’homme, une sorte de Big Sister plutôt que de Big Brother (selon le roman de science fiction 1984 de George Orwell, paru en 1949). Elle est également susceptible de rapporter ce qui se passe autour d’elle, de dénoncer des anomalies, de rappeler des consignes, d’où son rôle surmoïque que nous avons exposé dans de précédentes études.

   Il y a là donc bel et bien le profil d’une mission à ce détail près que la femme souvent, de nos jours, s’introvertit et ne fait plus que s’examiner elle-même et reporter sur elle-même. C’est souvent le cas quand elle ne trouve pas à employer ses facultés d’observation à l’extérieur, ne serait-ce que sur ses enfants, dont l’éducation fait également partie de ses attributions. Il faut eux aussi les observer, les instruire, deux tâches qui s’articulent l’une par rapport à l’autre et qui toutes deux sont assez mécaniques : faire un compte-rendu fidèle et détaillé de ce qui se passe concernant ses enfants mais aussi son compagnon à qui de droit ou tout simplement à des ami(e)s, des confident(e)s “à qui on dit tout” et transmettre quelques principes ou quelques pratiques recommandées par la société.

   En définitive, la femme ne parle pas tant d’elle-même que de ce qu’elle a observé et tout au plus est-elle un objet d’étude parmi d’autres, faute de mieux. Mais cette étude, en tout état de cause, est assez superficielle, avant tout factuelle, un peu comme un enregistrement vidéo tout comme ce que la femme transmet s’apparente fréquemment à une sorte de disque, parfois un peu rayé.

   Pour revenir à ce que nous exposions plus haut: si l’on met trois caméras en observation d’un même espace, chacune de ces caméras reproduira plus ou moins la même chose et si l’on a des systèmes d’alarme, ils fonctionneront à peu près de la même façon et c’est tout ce que l’on attend d’eux, à savoir que chaque unité soit opérationnelle ; il y a là un processus de multiplication tout comme pour défendre une forteresse, il faut autant d’hommes ayant le même équipement, chacun à son créneau, tout comme il faut autant de femmes que d’enfants à garder ou d’hommes sur qui veiller ou à surveiller. Il y a là un paradoxe: il faut être multiple pour accomplir le même travail à moins qu’un seul être puisse se démultiplier ou avoir mille yeux tel Argus / Argos, dans la mythologie. D’ailleurs, de plus en plus, avec la vidéo-surveillance, une seule personne peut veiller efficacement sur un grand nombre de lieux, ce qui nous conduit à situer la femme par rapport à la machine, un thème également souvent abordé dans nos études.2 Selon nous, la psychologie et le comportement de la femme s’apparente à celle d’une machine à moins que ce ne soit plutôt l’inverse, à savoir que ce que fait la femme est plus accessible à la machine que ce que fait l’homme. Mais on peut aussi dire que la machine amplifie le pouvoir féminin, accentue la dimension féminine de la société, véhicule une philosophie en phase avec le féminin. On comprend dès lors pourquoi les femmes sont souvent en apparence introverties et focalisent, faute de mieux, sur elles-mêmes, considérant que le fait de faire un rapport sur ce qui leur arrive est d’utilité générale et intéresse tout le monde. Aucune question n’excite davantage une femme que celle-ci : “Que s’est-il passé ? ” Une telle question est en vérité ambiguë dans la mesure où ce qui arrive à une femme, c’est aussi ce qui l’entoure, ce qu’elle rencontre, ce n’est même pas d’elle-même, stricto sensu, qu’il est question et d’ailleurs on peut se demander si les femmes se connaissent elles-mêmes ou si elles se contentent de décrire des choses qui (leur) arrivent.

   En revanche, le moi de l’homme a plus vocation à l’introspection, à la réflexion, à l’approfondissement, à la recherche qu’à l’observation, à la documentation, au reportage voire à l’enseignement. L’homme parle de ce qui est au coeur du groupe, la femme parle de ce qui est à sa périphérie, de ce qui lui est étranger.

   En fait, elle ne parle jamais en son nom propre; nous dirons que la femme est étrangère à tout ce qu’elle fait, qu’elle l’est à elle-même et qu’elle parle d’elle-même comme d’une autre. C’est pourquoi la femme a tout intérêt à varier au maximum les contacts, les activités et les rencontres car elle n’évolue pas par elle-même; face à une réalité donnée, elle risque fort de se répéter à moins que cette réalité change par elle-même, comme le font les saisons, les enfants qui grandissent et les parents qui vieillissent. Nous dirons que la femme parle du monde comme s’il lui était extérieur, comme si elle n’avait pas de prise sur elle et cela vaut aussi quand elle parle d’elle-même, comme si son je ne lui appartenait pas.3 La femme est spectatrice d’elle-même, d’où probablement un certain sentiment d’aliénation. Il ne lui est donc pas difficile de se considérer elle-même comme quelqu’un d’autre. Si l’homme tend vers la paranoïa, en ce qu’il se projette sur le monde, la femme, en revanche, tend vers la schizophrénie en ce qu’elle détache, y compris d’elle-même. La femme est un regard porté sur le monde. Elle ne parle jamais de l’intérieur d’elle-même comme d’un lieu qui lui appartiendrait vraiment, sur lequel elle aurait prise; de son psychisme, elle ne parle que dans l’extériorité, un peu à la façon dont les hommes parlent de leur corps.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 janvier 2003

Notes

1 Cf. nos études sur E. H., rubrique Hypnologica et sur www.Hommes-et-faits.com, rubrique Clivages. Retour

2 Cf. notamment l’article “Tselem”, sur E. H. et sur www. Hommes-et-faits.com. Retour

3 Cf. notre étude sur E. H. “La femme s’appartient-elle ? ”. Retour



 

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