BIBLIOTHECA HERMETICA


Accueil ASTROLOGICA NOSTRADAMICA PROPHETICA

PALESTINICA JUDAICA ANTISEMITICA KABBALAH

AQUARICA HYPNOLOGICA GALLICA

Editions RAMKAT




HYPNOLOGICA

60

L’absurde tabou de l’eugénisme

par Jacques Halbronn

Genèse I, 10
Vaiaré Elohim Ki Tov
Béréshit (Genèse), Chapitre premier

    Parmi les principaux tabous dont notre monde occidental judéo-chrétien actuel est l’héritier et le tributaire, l’eugénisme arrive certainement au premier plan. Il est remarquable et quelque peu paradoxal que la forme grecque eu, que l’on trouve dans eugénisme, euthanasie (la bonne mort ou bien mourir), mais aussi dans euphonie - par opposition à cacophonie - euphorie ainsi que dans Evangile - la Bonne Nouvelle - soit à ce point diabolisée, alors qu’elle signifie “ce qui est bien”. C’est en fait à toute une réflexion sur le bien et le mal et de la nécessité de savoir les distinguer que nous invitons notre lecteur.

    La question juive se pose dans la mesure où le problème est mal posé et que dès lors on tombe sur ce qui semble être des paradoxes, à savoir le fait que les Juifs sont à la fois complètement impliqués dans telle ou telle société et à la fois qu’ils sont présents dans les sociétés les plus diverses. Mais dans un cas il s’agit de l’individu juif et dans l’autre de la population juive considérée dans son ensemble. A l’échelle individuelle, en effet, il faut bien que le juif soit quelque part, il ne peut pas être partout à la fois, tout comme une femme doit s’unir à un homme et non à tous les hommes en un moment donné, il y a là une problématique d’incarnation, d’enracinement. A l’échelle du collectif, on peut certes observer que les juifs sont un peu partout mais cela ne fait pas des individus juifs pour autant des êtres cosmopolites, loin de là. En définitive, c’est dans l’articulation entre l’individuel et le générique, entre l’ontogenèse et la phylogenèse, qu’il convient de se situer pour se faire une idée cohérente du phénomène juif.

Sommaire :

1 - Les femmes et la question de l’éugénisme
2 - L’eugénisme et le progrès de l’Humanité
3 - La sélection comme fait masculin


1

Les femmes et la question de l’éugénisme

    Le thème de la procréation est à la mode dans les oeuvres de fiction et notamment au cinéma et dans la BD, dont on sait à quel point elle inspire nombre de scénarios, comme pour Le Cinquième Elément de Luc Besson ou Immortel (Ad Vitam) d’Enki Bilal. Récemment, des films sont sortis s’articulant sur le processus du clonage : A ton image, d’Agnés Jaoui, Godsend, l’expérience interdite de Nick Hamm, sans parler d’un épisode de Star Wars.

   Ces productions nous conduisent à de nouvelles représentations au niveau éthique (bioéthique) qui ne sont pas sans nous interpeller quant à l’image de la femme et à son rôle social. C’est au travers de telles fictions que pourrait se modeler une nouvelle conscience du féminin, dans la ligne du film emblématique Rosemary’s baby de Roman Polanski.

   Dans de précédents travaux1, nous avons tenté de situer le féminin au coeur de la problématique darwinienne, en soulignant les conséquences de la dévalorisation de la procréation, dont les dernières décennies du XXe siècle ont constitué un stade extrême. Dévalorisation qui est en grande partie le fait des femmes.

   La procréation a depuis longtemps perdu de son véritable sens et n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les femmes ne veulent plus qu’on les réduise à faire des enfants mais en quoi consiste réellement une telle tâche ? C’est une corvée dont elles déclarent pouvoir fort bien se passer.

   En revanche, les femmes ne se privent pas pour revendiquer qu’on les laisse accomplir les travaux masculins... qu’on nous présente comme une véritable sinécure.

   Or, il nous semble justement souhaitable d’établir un parallèle entre les fonctions utérines et les fonctions cérébrales. Certes, les femmes sont-elles dotées d’un cerveau à l’instar des hommes tandis que l’utérus serait un monopole féminin. Bien qu’il y ait eu des tentatives pour distinguer cerveau masculin et cerveau féminin - c’est la question des deux hémisphères cérébraux, le gauche et le droit - on nous explique aujourd’hui, très scientifiquement, que cela n’est pas pertinent. Décidément, la “nature” n’aurait pas respecté une quelconque symétrie, la moindre répartition équitable des tâches. La femme aurait donc un utérus en plus et rien en moins, si ce n’est encore une fois au niveau génital.

   On admet que l’homme ait sa part dans le processus de procréation, on sait fort bien décrire le rôle de la semence mais rien de comparable n’aurait lieu pour ce qui est du processus de création, qui serait une affaire individuelle et non de couple, à un et non à deux acteurs.

   On sait pourtant que les hommes contribuent de façon massive au processus de création mais les femmes, elles aussi, n’est-ce pas, font travailler leur cerveau... et leur utérus. Il n’y aurait donc pas au niveau cérébral cette complémentarité que l’on observe au niveau génital. Voire.

   C’est là nous semble-t-il, en effet, que deviennent manifestes les limites du dialogue entre sciences sociales et biologie. Ce qui n’est pas validé par les biologistes et autres généticiens actuels - pas ceux de demain ! - serait ipso facto de l’ordre du fantasme et, en tout état de cause, ne serait légitimé que si tout le monde en est d’accord, en quelque sorte démocratiquement, la démocratie prenant ainsi le relais de la Science. Arrangement que nous trouvons bien bancal ! Il est certes bien commode de s’en prendre ainsi au racisme, au sexisme mais tout de même. On voit que le message du structuralisme a bien du mal à passer et que les sciences sociales restent un parent pauvre qui ne trouve son salut et son identité que par le biais du politique et de l’idéologique, s’il veut résister au diktat de la Science, au lieu de se poser dans sa spécificité, celle de constructions voulues et perpétuées par les hommes dans un temps immémorial et tout à fait capables de résister aux vaticinations des démagogues, vivant aux dépends de scientifiques qui se laissent flatter voire aduler.

   Pour notre part, nous pensons que la procréation fut autrefois un enjeu autrement plus important qu’il ne l’est aujourd’hui, d’ordre qualitatif et non pas seulement, comme c’est le cas à présent, quantitatif. Certes, si les femmes arrêtaient maintenant de faire des enfants, l’humanité n’existerait plus dans les cent années à venir. On pourrait d’ailleurs, en dire, de même des hommes, sauf à considérer certaines expériences de laboratoire qui exigent cependant la semence masculine.

   Mais que se passerait-il si les hommes cessaient de penser, de produire des idées nouvelles au cours des cinquante prochaines années ? On nous répliquera que les femmes prendraient le relais sans problème et que l’Humanité poursuivrait sa route au même rythme accéléré qu’actuellement. Qu’on nous permette d’en douter !

   On atteint là, en réalité, en cette aube du XXIe siècle, à un malentendu crucial sinon à un contresens dramatique.

   Récapitulons nos thèses sur ce sujet : nous pensons que les femmes avaient autrefois la responsabilité de l’amélioration de l’espèce et ce par l’opération de leur utérus. Cela n’était pas très différent des expériences actuelles ou à venir de clonage, comme on le voit dans le film Godsend. Comme le dit le personnage joué par Robert de Niro, si le résultat n’est pas satisfaisant, on doit l’éliminer, ce qui se défend d’un point de vue eugénique. Autrement dit, tout ce qui est crée ou procrée par l’Homme n’est pas ipso facto satisfaisant. On expérimente et on voit ce que cela donne et on ne garde que le meilleur : on est donc bien ici dans une perspective qualitative et non dans le quantitatif.

   A partir du moment où l’humanité conserverait indifféremment tout ce qu’elle produit, où serait la sélection ? On imagine le drame de ces mères voulant à tout prix conserver le fruit, quel qu’il soit, de leurs entrailles. Mais, sur le plan mental, on imagine aussi aisément une humanité incapable de faire le tri parmi toutes les théories produites par les uns et par les autres, chacun s’accrochant désespérément à sa production intellectuelle. Car l’eugénisme existe bel et bien en science, depuis des siècles, en ce qui concerne les idées dont on ne conserve que celles qui sont jugées les meilleures. Sans un tel “eugénisme” intellectuel, où en serait-on ? Or, nous avons signalé, dans d’autres travaux, un certain manque d’eugénisme de ce type chez les femmes, à savoir une certaine difficulté à prendre du recul par rapport à ce qu’on a pu dire, à un moment donné, comme si tout ce qui était énoncé, proféré, accédait ipso facto au statut de vérité. Il faut apprendre à décanter, à élaguer, à évacuer ce qui n’est pas d’un certain niveau, faute de quoi il y a comme une constipation. Signalons que le sacrifice d’Isaac par son père- largement repris par le christianisme - c’est le déicide - et par l’Islam - pourrait relever d’un certain eugénisme, même s’il témoigne précisément d’une résistance et de la recherche d’un palliatif, d’un bouc émissaire.

   Bien plus, il semble que les femmes soient anti-eugéniques sur toute la ligne et que cela pose un très grave problème, que c’est probablement cela qui les déconsidère, à savoir cette révolte contre l’eugénisme, la sélection, le désir de tout conserver, de ne pas choisir entre les uns et les autres, dans quelque domaine que cela soit. En ce sens, les femmes seraient, depuis fort longtemps, en porte à faux avec la logique darwinienne et iraient à contre-courant, ce qui leur a probablement été reproché et expliquerait leur discrédit - anges déchus - et cela ne date certainement pas d’hier. Il y a en tout cas un lien entre les diverses formes d’eugénisme, lequel constitue un modèle évolutionniste qui nous semble plus acceptable que le lamarckisme, si décrié. L’humanité aurait ainsi progressé par l’organisation d’une sélection des caractères acquis par des mutations. Il s’agit donc d’une transmission tout à fait empirique. On ne pose pas comme postulat en amont que tels caractères ont été transmis mais on se situe en aval, c’est à dire qu’on observe ce qui a été transmis et on le conserve ou on l’élimine. Selon nous, l’évolution de l’Humanité a été fonction, pendant des millénaires, d’une intervention du vivant sur lui-même; le vivant ne s’est pas contenté de subir les situations, il les a maîtrisées et gérées, par un processus de sélection empirique, tout comme d’ailleurs, il a instrumentalisé son environnement et là encore il ne s’est pas contenté de se laisser modeler par lui. La distinction entre le bien et le mal s’origine dans ce travail de sélection au sein de l'espèce et par l'espèce elle-même, c’est à dire que la sélection ne s’est pas faite d’elle-même, à l’insu de l'espèce, elle est le résultat d’une intervention mais celle-ci n’est pas pour autant divine ; elle peut cependant relever du pouvoir d’une certaine caste divinisée, ayant droit de vie ou de mort sur ce qui naissait, droit qui est le corollaire et la condition de tout eugénisme.

   En paraphrasant le Livre de la Genèse (I, 3 ; I, 12 ; I, 14 ; I, 19 ; I, 21 ; I, 25), on dira que l’Homme-procréateur vit que cela été bien (Vaiaré Elohim Ki Tov) voire, au VIe jour que tout ce qu’il avait crée, depuis le début, était “éminemment bien” (tov meod) ou que cela ne l’était pas. On voit que dans ce récit de la Création, Dieu crée et observe ensuite si jamais ce qu’il a crée lui convient, il ne le sait pas à l’avance, ce qui suppose que si cela ne lui eut point convenu, il eut agi en conséquence, c’est à dire qu’il n’aurait pas donné suite. D’ailleurs, dans la kabbale, il est question de la création de plusieurs mondes successifs, comme si l’on avait tâtonné et procédé par essai et erreur. Le cardinal Lustiger relie ce passage concernant les Six Jours de la Création avec la question du mal :

   “Quand je dis “cela est bon”, je reprends la traduction française de la première page de la Bible. Quand Dieu regarde sa création, il est écrit : “Dieu vit que cela était bon et ce fut le premier jour”. C’est le problème majeur de la théodicée. Le mal est là et Dieu est bon. C’est le scandale de Job et la vanité du Qohelet (Ecclésiaste).”2

   Il est dit dans Genèse II, 16-17 : “Tous les arbres du jardin (d’Eden), tu peux t’en nourrir mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point car du jour où tu en mangeras tu dois mourir.“ On retrouve en effet, en hébreu, le même mot “Tov” face à “Rah”, pour désigner ce qui est traduit par “bien” et “mal”. Et plus loin : “La femme (Eve) répondit (au serpent) : Les fruits des arbres du jardin, nous pouvons en manger : mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit “vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sous peine de mourir”. Le serpent dit à la femme : Non, vous ne mourrez point mais Dieu sait que du jour où vous en mangerez vos yeux seront dessillés et vous serez comme Dieu, connaissant le bien (tov) et le mal (rah). La femme jugea que l’arbre était bon (tov), comme nourriture, qu’il était attrayant à la vue et précieux pour l’intelligence ; elle cueillit de son fruit et en mangea puis en donna à son époux et il en mangea.” On connaît la suite et le verdict de Dieu (Genèse III, 16) : “A la femme, il dit : J’aggraverai tes labeurs et la grossesse; tu enfanteras avec douleur, la passion t’attirera vers ton époux et lui te dominera.”

   Et plus loin encore (Genèse, III, 22) : “L’Eternel-Dieu dit : Voici l’homme devenu comme un de nous, en ce qu’il connaît le bien (tov) et le mal (rah).” Suit, le récit de la naissance de Caïn et d’Abel (Genèse IV) et l’on sait que Caïn va tuer Abel; l’affaire se conclut ainsi : “Adam connut de nouveau sa femme; elle enfanta un fils et lui donna pour nom Seth” : “Parce que Dieu m’a accordé une nouvelle postérité au lieu d’Abel, Caïn l’ayant tué.”3

   Ces quatre premiers chapitres de la Genèse méritent toute notre attention, même si une relecture s’avère nécessaire, à la lumière de notre propre grille et si une certaine corruption du texte originel est probable. Toujours est-il en effet que les éléments sont là : création, procréation, mais sous condition, sélection a posteriori. Le mal, ici, c’est ce qui ne doit pas être conservé, selon la logique de l’eugénisme, c’est ce qui est raté. Mais à partir du moment où ce qui est “mal” n’est pas éliminé, c’est là que le Mal devient vraiment le Mal ! Je fais mal en gardant le mal. Il y a là un champ sémantique des plus intéressants. On retrouve d’ailleurs cette problématique dans l’Evangile quand il est question de séparer “le bon grain de l’ivraie.” Savoir séparer est essentiel et d’ailleurs en hébreu ce qui a été séparé est sacré (qadosh), on ne doit pas y toucher. On retrouve d’ailleurs dans les lois alimentaires (kashrout), cet esprit de séparation, de sélection ; ce qui est sacré ; on ne sait d’ailleurs pas si ce qui est sacré, c’est ce qui est gardé ou ce qui est devenu interdit, intouchable.

   Ces quatre chapitres témoignent d’un drame, en rapport avec le bien et le mal, donc avec la sélection, ce qui n’est d’ailleurs pas sans évoquer la notion de peuple élu. Il faut comprendre que la création et la procréation doivent être sévèrement décantées pour ne garder que le “bon” mais que devient ce qui n’a pas été jugé bon d’être accepté ? Or, force est de constater qu’à un certain moment, tout a été mélangé - comme à Babel - on n’a plus su ou voulu choisir, tant sur le plan des êtres vivants que des idées. Le monothéisme est également la marque d’un choix entre tous les dieux, il ne se conçoit pas sans le polythéisme et les dieux qui n’ont pas été choisis deviennent ipso facto mauvais et ils le sont encore plus quand ils perdurent, quand ils se confondent avec ce qui est bien et bon. On prend ainsi la mesure de l’importance de savoir distinguer le bien du mal et en quoi il s’agit bien là de l’essence du pouvoir. Un pouvoir qui ne sait pas faire la différence entre ce qu’il faut prendre et ce qu’il faut laisser n’est pas à la hauteur de sa tâche.

   Initialement, les femmes furent probablement au coeur du processus de sélection et d’eugénisme dans la mesure où elles se prêtaient aux combinaisons les plus diverses, ce qui ne pouvait que produire des résultats très inégaux. Il n’était alors nullement question qu’elles s’attachent à tout ce qui sortait de leur ventre: l’infanticide était certainement très courant. Il ne s’agissait pas, au demeurant, de vivre en couple avec le mâle concerné mais bien, au mieux, de se charger du produit de leur coït, quand on décidait de le garder. Et ce pour la bonne raison, qu’une femelle pouvait avoir des relations sexuelles avec plusieurs mâles successifs, ses enfants n’ayant en commun que leur mère; si tant est qu’elle les gardait tous auprès d’elle.

   Il semble, donc, que le système ait connu des dysfonctionnements : attachement de la mère à chacun de ses enfants, attachement de la mère à un seul partenaire, ce qui conduisait à la production d’enfants ne s’inscrivant plus dans une perspective de recherche et d’exploration, bref de progrès, d’eugénisme. On se rapprochait ainsi de la famille telle que nous la connaissons encore de nos jours. Il reste que l’on rencontre aussi des familles monoparentales, avec une mère élevant parfois des enfants de lits successifs, en l’absence des pères.

   Enki Bilal, dans la Foire aux Immortels (Paris, Les Humanoïdes Associés, 1990, p. 33) nous parle d’un monde où les femmes seraient occupées intensivement à des tâches de procréation :

   “Tu as sans doute remarqué l’absence de femmes dans ce carnaval grouillant. La plupart en âge de reproduire est affectée d’office dans le centre de natalité Saint Sauveur, une espèce de gigantesque clinique souterraine sinistrement aseptisée, aux cadences d’accouchement scientifiquement accélérées. La programmation doit prévoir quelque chose comme 80% d’enfants mâles… tous destinés aux armées gouvernementales. Ta race est d’une stupidité rare et d’un sexisme affligeant, Nikopol.”

   On peut certes trouver une telle perspective épouvantable, effrayante. Mais en comparaison, la vie des femmes dans nos sociétés modernes nous apparaît comme singulièrement décalée par rapport à une telle fonctionnalité. Il est probable, d’ailleurs, que l’on s’achemine vers une procréation de métier, assurée par un nombre limité de femmes, assurant chacune une douzaine d’accouchements tout comme on va de plus en plus vers une armée de métier, délaissant l’idée d’une armée du peuple, d’une conscription obligatoire et générale. L’un dans l’autre, le nombre de femmes actives pourrait diminuer proportionnellement au nombre d’hommes, ce qui conférerait à ces femmes un rôle déterminant, et cela d’autant que la procréation pourrait être liée à une recherche qualitative, par des combinatoires nouvelles, avec des pères successifs - qui ne seraient d’ailleurs présents que par leur semence et que les femmes n’auraient pas à connaître- ce qui n’empêcherait nullement ces femmes d’avoir des rapports affectifs et sexuels, hors conception, avec un homme bien précis, dès lors que l’on distinguerait la procréation et le plaisir sexuel. Dès lors que la femme serait enceinte, rien ne l’empêcherait d’avoir des rapports sexuels réguliers avec un homme et ce sans enjeu procréatif. C’est à ce prix là - qui implique qu’elle ne s’attache pas au fruit de son ventre - lequel fruit elle pourrait d’ailleurs ne pas avoir à connaître, après la naissance - que le statut de la femme pourra se revaloriser, c’est à dire à condition que sa contribution au progrès de l'espèce humaine soit à nouveau significative. Ajoutons que dans les processus d’intégration, les femmes, on l’a dit ailleurs, ont aussi un rôle majeur à jouer, à condition que cela favorise les métissages et non les alliances endogamiques, étant entendu que c’est à la génération suivante que l’intégration fait sens.

   Rappelons que depuis des millénaires, l’espèce humaine n’a pas “bougé”, qu’elle n’a plus connu de progrès sensible, de mutation. Là aussi, certains films de science fiction nous parlent de mutants.4 Il est possible que l’humanité ait besoin demain de générer des êtres ayant des aptitudes particulières, une résistance à certaines situations. De telles spécialisations des facultés passent par l'utérus des femmes mais soulignons, encore une fois, que bien des naissances seront des échecs et qu’il ne sera pas forcément question de conserver tout ce qui sera ainsi produit, ce qui implique que la femme accepte de se soumettre aux besoins de la société et ne fassent pas de son activité procréatrice, comme c’est le cas aujourd’hui, une affaire personnelle. C’est à partir du moment où les femmes ont refusé les règles du jeu de l’eugénisme que leur situation se serait dégradée et cela d’autant qu’une autre filière prit forme, celle du progrès technologique, concernant des outils et des phénomènes extérieurs au corps humain et c’est ce monde là qui est toujours le nôtre actuellement. Il est possible que la filière de la mutation trouve un nouveau souffle qui profiterait aux femmes mais constituerait par la même occasion une assez dure contrainte, à laquelle bien des femmes modernes refuseraient de se plier.

   Mais revenons à la créativité masculine, laquelle passe non pas par l’utérus mais par le cerveau et qui exige, elle aussi, une assez longue gestation - mais cette fois non calibrée comme c’est le cas pour les 9 mois de la gestation chez la femme - et ce pas nécessairement à un niveau conscient. On ne saurait exclure que la femme ne joue un rôle dans ce domaine tout comme l’homme joue un rôle dans le processus de procréation. Il est possible que la femme puisse être une semeuse sur le plan intellectuel et l'homme- ou du moins son cerveau - un réceptacle. Pourquoi pas ?

   Nous voudrions conclure sur le point suivant: à savoir que les femmes ont depuis des siècles profité du travail intellectuel des hommes sans contrepartie significative de leur part. Elles n’ont pas eu à supporter les tortures mentales et morales de la recherche intellectuelle, les renoncements à des solutions abandonnées au nom de ce que nous avons appelé un certain eugénisme des idées, bref elles n’ont guère connu les affres et les sacrifices - dans tous les sens du terme - de la création.

   A partir de là, avec les perspectives que nous avons introduites, il n’y a vraiment rien d’extraordinaire ni de surprenant à ce que les hommes aient le pouvoir. Contrairement à ce que bien des femmes pensent actuellement, ce n’est nullement en s’émancipant des contraintes de la procréation, grâce à ce que l’on appelle des contraceptifs, c’est à dire ce qui empêche la conception, que les femmes renforceront leur position sociale. C’est bien au contraire en se focalisant sur les capacités de l’utérus qu’elles se rendront véritablement indispensables et incontournables dans l’optique d’un progrès qualitatif pour l’Humanité en son capital génétique et pas seulement technologique.

   Or, dans un contexte intellectuel, hostile à toute idée de transmission des caractères acquis, la formule des banques de sperme nous semble la meilleure solution. Le même sperme - ou d’autres empreintes (ADN) - de certaines personnes remarquables de par leur potentiel pourrait féconder des milliers de femmes.

   On pourra dire alors que la femme est l’avenir de l’homme, si le progrès, au cours du Troisième Millénaire, passe par son utérus et conduit à une nouvelle Humanité mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’en prend pas le chemin du moins selon les critères occidentaux. Mais qui sait si un pays comme la Chine ne sera pas conduit à explorer cette voie laquelle modifierait sensiblement les relations parents-enfants et mettrait au centre de nos sociétés la question de la sélection tant des idées - ce qui est au coeur de la civilisation occidentale - que des personnes ? On n’ a en tout cas pas fini de parler de sélection avec tout ce que cela peut impliquer.

   Ajoutons qu’une vision trop limitée de la procréation n’est en effet pas très motivante. Tout comme les hommes ont - bien qu’on ne puisse actuellement l’expliquer scientifiquement - des cerveaux offrant des potentialités bien diverses qualitativement - on a le cas des génies - pourquoi ne pas supposer que certaines femmes ont un utérus particulièrement performant et fécond, mieux capables que d’autres de réaliser certains alliages génétiques, ou tout simplement une capacité de production, une résistance, remarquables ? Dans Immortel, le film d’Enki Bilal, la recherche de la femme avec laquelle sera conçu un enfant du dieu Horus n’est pas chose simple et l’on peut penser que ces femmes aptes, de par leur utérus, lequel est certainement doué d’une certaine intelligence, d’enfanter optimalement à sont reconnaissables à certains signes que les hommes, depuis longtemps, ont appris à identifier subconsciemment, tant cette quête était essentielle pour le progrès de l’Humanité.

   Il ne faut pas continuer à réduire la procréation à la portion congrue, celle-ci doit être considérée, chez certaines femmes, comme un véritable travail, mais à condition que ce travail ne soit pas occasionnel mais conduise à une succession de grossesses sur une période assez longue de la vie, n’impliquant pas nécessairement la responsabilité de l’éducation des enfants.

   Ce n’est donc pas en imitant les hommes que les femmes parviendront à s’affirmer mais bien en relançant des pratiques millénaires qui leur confère une centralité et qui ont à voir avec la dialectique production/sélection. C’est en prouvant que demain le progrès passera au moins autant sinon plus par l’utérus que par le cerveau, que les femmes reconquerront un vrai pouvoir mais sont-elles prêtes à en payer le prix ? Aujourd’hui, l’attente du progrès concerne la Science masculine. Que la femme assume son propre pôle plutôt que disputer le sien à l’Homme car on ne devient pas l’autre par la seule volonté, sinon superficiellement ; on doit bien plutôt faire appel à son propre héritage à condition toutefois de le connaître. Demain, peut-être attendra-t-on le progrès de la naissance d’un être radicalement nouveau, comme celle de Jésus, dont le récit nous renvoie probablement à une ère où les femmes étaient vraiment porteuses d’avenir et ne se contentaient pas de faux semblants.

   Notre civilisation judéo-chrétienne et occidentale nous apparaît donc foncièrement marquée par l’idée de tri, de jugement (en anglais, procès se dit trial), d’élection - procédé qui permet de choisir le meilleur et qui a notamment été appliqué pour la papauté. On est passé de la sélection des humains à celle des idées, des théories, des systèmes, le monde de la Science se situant ainsi bel et bien dans la logique d’une certaine éthique du bien et du mal, du vrai et du faux, ce qui permet de revisiter les thèses de Max Weber sur le lien entre le religieux et l’économique, à savoir que l’Occident est l’héritier d’une tradition de la sélection et que le protestantisme se caractérise par une volonté d’élaguer le christianisme. En ce sens, d’ailleurs, rien de vraiment étonnant à ce qu’un certain eugénisme nazi soit apparu en Allemagne.

   En tout état de cause, notre civilisation ne saurait sacraliser par avance ce qui sort d’un cerveau ou d’un utérus, il importe que nous constations si cela est bon (tov) ou non. Même Dieu n’est pas infaillible, il doit faire le tri - par essais et erreurs et finalement par tâtonnement - parmi toutes ses créations, les corriger ou les désavouer, c’est en quelque sorte le rapport thèse/antithèse, l’antithèse étant la mise en question de ce qui a été produit, la synthèse étant en quelque sorte ce qui a été préservé après sélection et non pas l’accumulation non critique de tout ce qui a été émis. Il est clair aussi que cet acte de sélection ne saurait systématiquement être le seul fait du créateur (cerveau ou utérus), l’autre - celui dont ce n’est ni le cerveau, ni l’utérus, peut aussi aider à apprécier, tester, le résultat. Il ne s’agit pas de basculer dans une sorte de malthusianisme, de restriction de ce qui est produit, par peur de l’échec : tout acte de création physique ou intellectuelle doit être soumis à la réflexion : est-ce bon, est-ce viable ? Ne croyons pas qu’il faille laisser la nature laisser décider à notre place, par la maladie, par la mort involontaire, par l’usure; les sociétés doivent prendre les devants et ne pas laisser le hasard décider pour elles. Certes, la place du hasard est-elle considérable dans ce qui naît mais ce ne doit pas être au hasard de décider de ce qui est maintenu, épargné. Quand Einstein déclare que Dieu ne joue pas avec des dés, nous n’en sommes pas si sûrs : nous pensons, comme en témoigne le récit de la Genèse, que Dieu ne sait pas à l’avance si ce qu’il met en place sera bon ou non mais, en revanche, il est capable d’en juger après coup. Maîtriser le hasard, ce ne serait donc pas tout prévoir mais bien tout contrôler de ce qui est arrivé, advenu, du fait du hasard ; autrement dit, il faut instrumentaliser le hasard qui serait la plus belle conquête de l’Homme. En ce sens, nous aurions un droit de repentir par rapport à nos actes car quand nous engageons un processus, il y a tant de paramètres qui interfèrent, qu’il est impossible d’en connaître avec certitude le résultat final. En ce sens, il n’y aurait pas stricto sensu de Providence, c’est à dire que tout ce qui se fait n’est pas bon, juste, ipso facto. Dès lors, que signifie l’acte de prévoir ? Si Dieu savait à l’avance, il n’aurait pas à dire que ce qu’il a crée est bon, tov. Prévoir, c’est donc enlever aux hommes le droit de corriger le tir, ce qui est le propre du libre-arbitre. Il conviendrait, donc, en ce seuil de Troisième Millénaire, de repenser la notion de liberté : nous sommes libres de créer, nous sommes libres de garder ou de ne pas garder ce que nous avons crée, à condition que nous ne renoncions à aucune de ces libertés complémentaires : ne jamais cesser de donner du grain à moudre à notre cerveau et à notre utérus, nos deux athanors, en tentant toujours de nouvelles expériences, partant ainsi à l’aventure, et ne pas cesser de surveiller ce que cela donne. Qui ne risque rien n’a rien : il ne faudrait pas sous prétexte que l’on ne prend pas de risque, que l’on se contente de répéter ce qui existe déjà, que l’on refuse à soi-même ou à l’autre, le droit de juger de la qualité et de l’intérêt du résultat obtenu, que celui-ci soit monstrueux ou au contraire parfaitement redondant. Ni le cerveau, ni l’utérus ne sauraient se réduire à des tâches ancillaires, ils sont bien au contraire des lieux où le hasard peut s’exercer, improviser, pour le pire ou pour le meilleur. Ne laissons pas, pour autant, le hasard avoir le dernier mot !

Retour sommaire

2

L’eugénisme et le progrès de l’Humanité

    Nous ne suivrons donc pas - du moins à l’échelle de l’Histoire de l’Humanité - Jean-Marie Lustiger dans sa condamnation radicale de l’eugénisme5, ce qui montre que notre lecture de la Genèse n’est pas la sienne : “à quel moment, demande-t-il, faudra-t-il dire “non” ? Une fois qu’on a cédé sur le respect de l’intégrité humaine, on sait qu’on cédera sur tout (...) Les psychanalystes ont adopté une position d’hostilité ferme”. Pour notre part, Lustiger commet ici un grave contresens, dans tous les sens du terme. Il ne faudrait pas que l’homme idolâtre et sanctuarise tout ce qu’il fait, dit, produit alors que le Créateur prend le temps d’examiner si ce qu’il a fait est bien ou ne l’est pas. En fait, l’eugénisme biologique n’a plus cours depuis longtemps, il correspondait à une autre ère, celle du progrès au féminin. Refuser l’eugénisme biologique sinon intellectuel, c’est bel et bien une position misogyne, c’est refuser un temps de l’Humanité qui fut celui de la sélection au sein du vivant. De nos jours, l’eugénisme ne se pratique plus qu’au niveau économique et scientifique et n’implique pas, a priori, mort d’homme. Il y a là comme un paradoxe : on pourrait croire que la femme est attachée par dessus tout à ce qui est né d’elle mais nous pensons que c’est tout le contraire : celui qui crée, sait qu’il peut recréer. Tout comme un intellectuel sera d’autant mieux disposé à renoncer à défendre un texte qu’il sait qu’il pourra en produire un autre, à plus ou moins court terme. C’est comme l’enfant qui fait un drame d’un objet cassé en croyant qu’il est unique ou qui fait une crise parce qu’on lui coupe les cheveux du fait qu’il ignore que cela repousse. Alors que le monde est marqué à tous les niveaux par la sélection, par le remplacement d’une machine par une autre, on voudrait que tout ce que les hommes et les femmes produisent soit conservé, envers et contre tout. Il n’est pas du tout certain qu’une telle position soit très longtemps tenable. Certes, comme le note Lustiger, quelle responsabilité que de faire des choix, que de fixer des orientations plus ou moins irréversibles ? Qui sommes-nous, n’est-ce pas, pour juger, pour trancher ?

   Et pourtant... notre civilisation ne saurait sacraliser par avance ce qui sort d’un cerveau ou d’un utérus, il importe que nous constations si cela est bon (tov) ou non. Même Dieu n’est pas infaillible, il doit faire le tri - par essais et erreurs et finalement par tâtonnement- parmi toutes ses créations, les corriger ou les désavouer, c’est en quelque sorte le rapport thèse/antithèse, l’antithèse étant la mise en question de ce qui a été produit, la synthèse étant en quelque sorte ce qui a été préservé après sélection et non pas l’accumulation non critique de tout ce qui a été émis. Il est clair aussi que cet acte de sélection ne saurait systématiquement être le seul fait du créateur (cerveau ou utérus), l’autre - celui dont ce n’est ni le cerveau, ni l’utérus, peut aussi aider à apprécier, tester, le résultat. Il ne s’agit pas de basculer dans une sorte de malthusianisme, de restriction de ce qui est produit, par peur de l’échec : tout acte de création physique ou intellectuelle doit être soumis à la réflexion : est-ce bon, est-ce viable ? Ne croyons pas qu’il faille laisser la nature laisser décider à notre place, par la maladie, par la mort involontaire, par l’usure; les sociétés doivent prendre les devants et ne pas laisser le hasard décider pour elles. Certes, la place du hasard est-elle considérable dans ce qui naît mais ce ne doit pas être au hasard de décider de ce qui est maintenu, épargné. Quand Einstein déclare que Dieu ne joue pas avec des dés, nous n’en sommes pas si sûrs : nous pensons, comme en témoigne le récit de la Genèse, que Dieu ne sait pas à l’avance si ce qu’il met en place sera bon ou non mais, en revanche, il est capable d’en juger après coup. Maîtriser le hasard, ce ne serait donc pas tout prévoir mais bien tout contrôler de ce qui est arrivé, advenu, du fait du hasard ; autrement dit, il faut instrumentaliser le hasard qui serait la plus belle conquête de l’Homme. En ce sens, nous aurions un droit de repentir par rapport à nos actes car quand nous engageons un processus, il y a tant de paramètres qui interfèrent, qu’il est impossible d’en connaître avec certitude le résultat final. En ce sens, il n’y aurait pas stricto sensu de Providence, c’est-à-dire que tout ce qui se fait n’est pas bon, juste, ipso facto. Dès lors, que signifie l’acte de prévoir ? Si Dieu savait à l’avance, il n’aurait pas à dire que ce qu’il a crée est bon, tov. Prévoir, c’est donc enlever aux hommes le droit de corriger le tir, ce qui est le propre du libre-arbitre. Il conviendrait, donc, en ce seuil de Troisième Millénaire, de repenser la notion de liberté : nous sommes libres de créer, nous sommes libres de garder ou de ne pas garder ce que nous avons crée, à condition que nous ne renoncions à aucune de ces libertés complémentaires : ne jamais cesser de donner du grain à moudre à notre cerveau et à notre utérus, nos deux athanors, en tentant toujours de nouvelles expériences, partant ainsi à l’aventure, et ne pas cesser de surveiller ce que cela donne. Qui ne risque rien n’a rien : il ne faudrait pas sous prétexte que l’on ne prend pas de risque, que l’on se contente de répéter ce qui existe déjà, que l’on refuse à soi-même ou à l’autre, le droit de juger de la qualité et de l’intérêt du résultat obtenu, que celui-ci soit monstrueux ou au contraire parfaitement redondant. Ni le cerveau, ni l’utérus ne sauraient se réduire à des tâches ancillaires, ils sont bien au contraire des lieux où le hasard peut s’exercer, improviser, pour le pire ou pour le meilleur. Ne laissons pas, pour autant, le hasard avoir le dernier mot !

   Nous proposerons donc une nouvelle approche de l’eugénisme, en redéfinissant ce terme pour lui assigner une signification dépassant très largement les enjeux strictement biologiques.

   Comment ne pas comprendre, en effet, à quel point il est essentiel pour une société de discerner entre le bien et le mal, le vrai et le faux, l’authentique et la contrefaçon ? Pour nous, l’eugénisme, c’est notre rapport avec tout ce qui émane de nous, tout ce nous générons par nos actes, nos paroles et dont nous sommes responsables. Refuser un tel eugénisme signifierait, a contrario, ne pas avoir à répondre de ce qui est issu de nous, c’est en fait faire la différence entre nos actes conscients - dont nous aurions seuls à répondre - et inconscients dont nous n’aurions pas à rendre compte puisque cela nous dépasse. Or, faire un enfant semble relever d’un processus inconscient, sur lequel nous n’aurions guère prise.

   Certes, nous ne maîtrisons probablement pas le déroulement de certains phénomènes qui se déroulent cependant en nous mais n’est-ce pas une raison supplémentaire pour exercer un droit de regard sur le résultat ainsi obtenu ou bien sommes-nous simplement des instruments, des canaux au travers desquels certaines forces s’exerceraient et auxquelles, en quelque sorte, nous devrions nous plier ? On pense à la Pythie dont les oracles qu’elle proférait venaient d’on ne sait où et qui prenaient précisément toute leur importance du fait qu’elle n’était supposée être qu’un médium. De médium on passe à médias, lesquels, comme la télévision, se contentent de transmettre, sans opérer de sélection : celui qui se satisfait d’exprimer une vérité, mais sans faire preuve de jugement. On voit à quel point ici le mot vérité est galvaudé : serai vrai ce qui est et ne serait pas vrai ce qui n’est pas. Comme on dit, “cela a le mérite d’exister” ou encore “Les absents ont toujours tort”. Que penser d’une telle opposition aujourd’hui adoptée ?

   Pour l’eugénisme, tel que nous le concevons, ce qui est, se présente, n’est pas ipso facto acceptable. Il n’est pas question que nous restions sans pouvoir face à ce qui sort de notre corps ou de notre cerveau. Il y a une pathologie qui consiste d’ailleurs à fétichiser tout ce qu’une personne produit et ce sans distinction. Or, là encore, il importe de faire la différence entre le eu et le kakos. Les enfants apprennent d’ailleurs très vite ce qui est “caca”, quand bien cela sortirait d’eux tout comme ils doivent apprendre à ne pas dire n’importe quoi, même si cela se présente à leur esprit. Il y a là toute une éducation sélective; un apprentissage de la dualité. Le rôle du père pourrait notamment consister à apprendre à l’enfant à ne pas dire tout ce qui lui passe par la tête alors que la mère s’efforce au contraire d’amener l’enfant à dire “toute la vérité”, c’est-à-dire à vider son sac. Exigences opposées et qu’il revient à l’enfant de savoir gérer de concert.

   D’où une réflexion sur la nature du Mal, du Kakos. Nous dirons que toute production - toute création - est confrontée au bien et au mal, au déchet. Il y a là une forme de manichéisme. Ce mal là, inhérent à toute action, est inévitable. Ce qui n’est pas, en revanche, inévitable, c’est de le laisser proliférer, de ne pas le faire avorter, de renoncer à le censurer. Le mal, c’est de ne pas savoir, vouloir, gérer a posteriori le mal, le mauvais, le raté.

   C’est que le résultat d’une action n’est jamais totalement prévisible, qu’il y a toujours des exceptions qui confirment la règle. C’est d’ailleurs, ce qui hypothèque toute prétention prévisionnelle, les choses pouvant ou non se passer comme prévu. Le mal vient en ce sens parasiter nos actes et cela en particulier quand ceux-ci passent par un processus souterrain, qui échappe, peu ou prou, à notre conscience ou du moins à notre contrôle. Il faut distinguer, pourtant, faire mal et faire du mal.

   Deux attitudes s’offrent à nous : soit censurer par avance, soit censurer après coup. Chez les Juifs, la répudiation de la femme réserve la possibilité de revenir sur ce qui a été engagé, en constatant qu’il y a eu erreur. En revanche, le mariage chrétien n’envisage pas la répudiation, ce qui signifie qu’il n’admet pas le droit à l’erreur et préfère parler de faute. Or, l’eugénisme s’inscrit dans une logique de la répudiation. Peu importe que la répudiation soit le fait de l’homme ou de la femme, ce qui importe, c’est qu’une solution existe pour mettre fin à un certain état de choses; c’est mieux que rien.

   Faut-il donc s’enfermer, s’enferrer, dans un processus dont on ne maîtrise pas pleinement et par avance les tenants et les aboutissants, dans une sorte de fatalisme ? Quant au malthusianisme qui consiste à ne rien faire de peur de faire mal, il correspond à une prévention qui suppose qu’une fois les choses faites, on sera dans l’irréversible. L’eugénisme est en effet le refus de l’irréversible et en ce sens, il est liberté. Mais pour certains, on serait libre de faire ou de ne pas faire mais on n’est pas libre de sélectionner entre les choses qui ont été ainsi produites ; on peut décider au départ que les choses seront ou ne seront pas mais non pas à l’arrivée, ce qui correspond à l’idée d’une sorte d’infaillibilité. Etrangement, on refuse aux hommes la capacité de trier une fois que l’on a abouti; alors, les hommes ne seraient plus du tout infaillibles et il faudrait qu’ils se fassent une raison, qu’ils se résignent à accepter le fait accompli.

   En ce sens, notre philosophie serait anti-kantienne du fait que ce ne sont pas les intentions qui comptent mais les résultats. Une bonne intention peut déclencher des catastrophes, une “mauvaise” intention - par exemple une conquête militaire - peut s’avérer bénéfique. Il est faux de croire que notre jugement s’exercerait mieux au niveau du projet qu’à celui des effets et on ne voit vraiment pas pourquoi il faudrait renoncer à opérer un tri après coup, ce qui nous empêcherait de le faire si ce n’est une sorte de passivité morbide face à ce qui a été accompli.

   Ce qui amène les gens chez le voyant, c’est justement l’envie de savoir comment les choses vont se passer in fine, ce qui montre bien qu’on n’en sait rien à l’avance, quelles que soient les précautions - en plus ou en moins - qui auront pu être prises. Il peut y avoir eu mal-entendu, mé-prise ; on ne saurait l’exclure. L’anglais mis-take est à ce propos plus expressif que le français erreur. Il faut tenir compte de ses erreurs pour corriger le tir la prochaine fois. Qui vivra verra, Wait and see sont des expressions populaires qui renvoient au futur pour apprécier le présent. D’ailleurs, dans la Genèse, le verbe est au futur (c’est le cas du vav renversif) : Et Dieu verra que c’était bon. Le futur nous enseigne sur le présent. On parle du verdict de la postérité, c’est-à-dire de ce qui vient après. On voudrait ne pas avoir à prendre de risque mais en réalité, le bien ne peut émerger que du mal, sans mal, il n’y a pas de bien ou de mieux. Il faut beaucoup se tromper pour réussir. Qui ne risque/tente rien n’a rien. Pour quelques succès, combien d’échecs ! Beaucoup d’appelés et peu d’élus. Rétrospectivement, on oublie tout ce qui a été produit et abandonné et naïvement on s’imagine que seul le meilleur a été crée d’emblée. De même, pour un ouvrage publié, on ignore souvent toutes les possibilités, scénarios, hypothèses, qui ont été envisagées puis mises de côté. De même, pour une action qui aboutit, combien ont avorté ? Il faut avoir conscience et prendre connaissance des brouillons pour apprendre, précisément, comment un choix s’opère en aval, à l’usage. Il y a là, certes, une leçon d’humilité pour l’Humanité dès lors que l’on prend en compte que nombreux sont les paramètres qui interviennent et interférent et conduisent à un résultat jugé satisfaisant ou non. Mais c’est précisément cette faculté à juger de ce qui est bien ou mal qui a fait de l’Humanité ce qu’elle est. Il est d’ailleurs assez peu important de définir, dans l’absolu, ce qui est bien ou ce qui n’est pas bien, ce qui compte c’est de vouloir progresser, diversifier et de ne jamais cesser de produire et de trier, de sélectionner, de rejeter, après coup. C’est pourquoi une société se doit d’être pluraliste, pour qu’il y ait alternative/alternance et non monopole, faute de quoi elle se sclérose.

   A l’heure des sites Internet et du câble, il semble bien que tout ce qui se produit soit conservé et diffusé d’une façon ou d’une autre. On a l’embarras du choix. Il nous faudrait réapprendre à trier, à décanter, à dégrossir, à commencer par ce qui émane de nous-mêmes et ne garder que le meilleur, plus propre à contribuer à l’enrichissement d’autrui. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Trop souvent ce qui est proposé n’est pas assez travaillé, c’est du premier jet. Or, le plus souvent, n’offre-t-on pas à l’autre des produits avariés, des restes cent fois resservis et qu’on n’a pas eu la discipline d’évacuer ? Il ne faudrait pas oublier à quel point l’Humanité présente est le résultat de nombreux essais, de sélections répétées, parfois audacieuses. Il y a des sociétés qui poursuivent dans cette continuelle production accompagnée d’une continuelle sélection et il y a des sociétés qui accumulent sans trier et qui ont renoncé à produire du nouveau de peur de ne pas savoir gérer la nouveauté et de faire la part du bon et du mauvais.

   Le mal, c’est ce qui doit partir pour que le bien puisse se développer et se déployer. Le méchant, c’est celui qui a perdu, qui n’a pas été choisi. Le bon, c’est l’élu. Le méchant n’est pas mauvais en soi, il ne le devient que s’il fait obstruction, que s’il ne s’efface pas, que s’il gène par sa présence. Il y a aussi le “bon” dieu, et donc forcément de “mauvais” dieux qui ont été évacués, chassés. Le bon n’existe jamais seul, sans le mal. Abraham a deux fils, il garde Isaac et chasse Ismaël. Il est intéressant que pour les Musulmans, Abraham est prêt à sacrifier Ismaël - et non Isaac. Le mal est sacrifié au bien, qui, lui, est sacralisé, en effet et cela peut être un choix douloureux. Mais le refus du choix est suicidaire et les sociétés qui ont suivi cette pente, à un moment de leur histoire, se sont condamné à terme. Il faut que le meilleur gagne ou que celui qui gagne et qui reste sur le terrain soit le meilleur mais tout est relatif, l’important, c’est bel et bien qu’il est un gagnant mais aussi que l’art de choisir ne se perde pas, ait toujours à s’exercer, d’où l’importance des élections. Les sociétés qui ne sont pas périodiquement invitées à effectuer des choix sont marquées par l’irréversibilité, l’immuabilité, des choses ; elles ne progressent pas car le progrès passe par une dialectique création/sélection.

   Il semble que les femmes aient eu vocation à produire et les hommes à choisir, à trier. Cela pourrait bien avoir été là une division du travail tout à fait essentielle. Il ne faut pas demander aux femmes d’opérer des choix, en aucune façon, en aucun cas. On ne peut pas être à la fois au four et au moulin. Laisser à la même personne, au même groupe, la tâche de produire et celle de choisir entre ce qui est bien et ce qui est mal, entre ce qu’on garde et ce qu’on laisse, est une des pires erreurs qui puisse être commise. Le pouvoir judiciaire, celui qui tranche et décide qui a raison et qui a tort - dura lex sed lex - doit rester indépendant, c’est d’ailleurs un principe toujours en vigueur sans que l’on ne sache plus trop bien pourquoi. Selon nous - et c’est là notre thèse principale - une telle pratique sélective existe depuis des milliers d’années voire probablement bien davantage.

   Nous formulerons, en conclusion, la thèse suivante : avec le développement du cerveau, le rôle de l’utérus a décliné et le pouvoir est ainsi passé aux hommes. La définition de l’homme serait un être au cerveau prédominant et celle de la femme, un être à l’utérus prédominant, ce serait à ce niveau là que la véritable différence entre masculin et féminin existerait et non pas au niveau du sexe stricto sensu. Il est temps que les femmes se réapproprient pleinement leur créativité utérine, faute de quoi, la filière utérine reste d’être définitivement abandonnée et être remplacée par un clonage à l’identique, ce qui n’offre aucun caractère créatif. A notre sens, reproduire à l’identique ne saurait être qualifié de création. Il semble d’ailleurs que le terme création soit galvaudé et que toute production de quoi que ce soit qualifié de tel, ce qui n’est pas faux en soi mais il s’agit là d’une création brute qui doit passer par un processus de décantation et de sélection.

   Qu’est-ce que cela va donner ? Telle est la question qui nous semble la plus vitale, désormais et qui implique une certaine humilité, un lâcher prise, à savoir que nous dépendons de certains organes - cerveau, utérus - tout comme aujourd’hui, nous sommes de plus en plus souvent relayés par des ordinateurs (computers) : il y a l’input et il y a l’output. Or, il n’est pas question de préjuger de l’output à partir de l’input ; il faut s’attendre à des surprises, bonnes ou mauvaises et ne pas accepter d’office tout ce qui sortira d’une expérience: on doit pouvoir recommencer si le résultat n’est pas jugé satisfaisant. On relèvera l’usage actuel du terme “prévu” : il faudrait que les choses se passent comme prévu alors que précisément nous ne sommes pas en mesure de prévoir ce qui va réellement se passer. Notre seul recours est de savoir éliminer, en connaissance de cause, ce qui s’avère défectueux, peu performant, a posteriori, ce qui semble somme toute plus réalisable que de le faire a priori, en aveugle. Tirons donc parti de nos expériences plus encore que de nos erreurs, dans tous les sens du terme et ne restons pas, imperturbablement, sur des rails et ce d’autant que le (faux) sentiment d’irréversibilité tend à nous décourager de commencer quoi que ce soit, de peur justement de devoir payer indéfiniment pour nos errements à moins que nous nous condamnions à accepter inconditionnellement, nous encombrer par avance de ce que fait autrui dans l’espoir que nos propres actes ne seront pas davantage soumis au jugement et seront irrévocables ; mais faut-il forcément, au nom d’ une (psycho) rigidité mal venue, boire le vin jusqu’à la lie ? Assumer les conséquences de ses actes peut tout à fait signifier que nous devions les désavouer et reconnaître nos échecs - il faut savoir corriger, rectifier, le tir, au vu des résultats heureux ou malheureux - pourvu que nous laissions le champ libre à l’excellence, ce qui est en fait la seule chose qui compte pour l’avenir de l’Humanité, tant par la voie utérine - celle de la mutation et de la reprogrammation de l’Homme - aujourd’hui réduite à la portion congrue, que cérébrale, celle de la technologie. Mais si l’Humanité ne se transforme pas, elle sera toujours plus dépendante de la machine avec les risques que cela comporte à terme.

Le veto masculin

   Il paraîtrait, d’après des travaux sérieux, que les femmes parleraient 50% de plus que les hommes, dans une journée habituelle, ce qui va dans le même sens que les travaux de John Gray.6 Une telle surproduction est significative d’une certaine absence de filtrage qui n’est d’ailleurs pas de leur ressort. Chez la femme, le bon et le mauvais logos - l’éloge est littéralement la bonne parole - se côtoient et d’ailleurs on dira que la femme se situe au delà ou en deçà du bien et du mal, que ce n’est pas à elle qu’il revient de juger, de trier. Ce qui importe pour nous, ici, est de faire ressortir une complémentarité à savoir que la femme ne peut pas et ne doit pas chercher à se comporter comme un homme du fait même qu’elle ne fonctionne pas comme lui, qu’elle est plus libre mais que cette liberté a un revers, l’absence de sélection. En ce sens, la femme est une matière - à rapprocher de Mater, la mère - à sculpter, à structurer, à tailler. La dualité est un fait qu’on ne peut nier, faute de quoi on irait vers une société hybride où ni la fonction masculine, ni la fonction féminine ne parviennent à s’exercer, ce qui, à terme aboutit à un certain dysfonctionnement social et notamment sélectif. Le jour où l’on permettra aux femmes de mieux se connaître, de mieux cerner leur rôle, dans toute sa dimension, on mettra, ipso facto, fin à un faux débat sur l’égalité hommes/femmes. La femme doit assumer sa liberté -de parole mais aussi d’enfantement - échappant ainsi à un certain carcan mais elle doit accepter qu’il y ait un contre-pouvoir masculin qui ne conserve de sa production qu’une partie. A partir du moment où les femmes s’approprient cette production et veulent la conserver toute, elles ne sont plus raisonnables, c’est à dire qu’elle ne reconnaissent pas la nécessité d’un ratio, d’un rationnement, elles basculent dans l’irrationnel. Or, on ne peut à la fois être juge et partie. Dans les tribunaux américains, les parties se font mutuellement des objections et c’est le juge qui en apprécie la pertinence. Nous vivons dans une société qui présélectionne alors qu’il faut postsélectionner, juger l’arbre à ses fruits. Quelle démesure, chez l’Homme, que de prétendre savoir à l’avance ce qui va se passer alors que Dieu, lui-même (cf. la Genèse) attend de voir le résultat de ses actes pour en apprécier la justesse ! Il revient à l’homme et non à la femme de décanter la matière. La femme doit se laisser envahir par cette matière - ce qu’elle refuse actuellement, adoptant une attitude restrictive pour les naissances, sans permettre donc le choix - car quand il y a pénurie, il n’y a pas de choix - et laisser à l’homme le soin de statuer. Il n’y a pas de société sans cette dualité entre ceux qui proposent et ceux qui disposent. La femme propose, ce qui implique de laisser le choix, et l’homme dispose, ce qui implique un tri. Une société où “tout se vaut” à partir du moment où cela existe est une société qui va à la dérive, qui idolâtre tout ce qu’elle dit et fait et où l’on garde tout, le pire comme le meilleur et où l’on sait de plus en plus mal distinguer l’un et l’autre, de peur de se tromper et qui attend en fait que l’on choisisse pour elle, selon des critères venus d’ailleurs. Cela fait songer à ces gens qui vivent dans un désordre effrayant et qui accumulent indéfiniment, tant ils chérissent la moindre chose qui émane d’eux ou qui les concerne de près ou de loin. Il importe qu’il y ait un équilibre des pouvoirs mais pour cela encore faut-il qu’il n’y ait pas confusion des pouvoirs. Or si la femme se veut identique à l’homme au niveau de ses responsabilités, comment n’y aurait-il pas confusion des genres ? Dans un système de confusion, on ne trie pas après mais avant, ce qui ne peut que déboucher sur un monde d’a prioris - tels que le racisme - donc de pré-jugés, de généralités permettant de classer les gens dans de grandes catégories - au lieu de juger sur pièces, au niveau des résultats. En situant la sélection en amont et non en aval, c’est la femme qui cherche à être en position terminale. Toute la question est de savoir qui a le dernier mot, qui a droit de veto, l’homme ou la femme. Il est peut-être temps de reconnaître à chacun son rôle et de définir les droits et devoirs des hommes et des femmes plutôt que de tenter de tirer toute la couverture à soi, non sans une certaine hypocrisie consistant à nier les différences au niveau social et non pas seulement anatomique, la procréation étant au demeurant un acte s’inscrivant pleinement dans des enjeux sociaux et n’étant nullement une affaire strictement individuelle, du fait précisément qu’elle n’est pas l’étape ultime.

   Pour résumer notre propos en une formule : l’homme doit être en mesure de revenir en arrière, d’annuler ce qui a été engagé. Si pour l’homme, il s’agit de distinguer entre ce qui est viable et ce qui ne l’est pas - les anglais parlent de relevant -, pour la femme, en revanche, il y a ce qui est et ce qui n’est pas. Il nous apparaît que si la femme a été un instrument capital de l’eugénisme, elle n’en a jamais maîtrisé la problématique au niveau de la sélection qui en est le corollaire. Ce qui pour elle importait, c’est que quelque chose soit produit, généré. Au delà, ce n’était plus son affaire, elle n’en était pas responsable. A partir du moment où elle dénie à l’homme le droit de trier et de disposer de ce qui a été ainsi crée, il y a conflictualité et refus d’une véritable dualité et d’une répartition équitable des tâches.

Retour sommaire

3

La sélection comme fait masculin

    Les femmes ont du mal à choisir et elles tendent à laisser le choix s’opérer en quelque sorte de lui-même. Elles attendent qu’on choisisse pour elles. Elles ne sont pas programmées pour faire un choix, et quand elles le font, c’est en réalité qu’on le leur a soufflé, suggéré, que cela ne dépend pas d’elles.

   On nous objectera qu’elles reprochent aux hommes de faire des choix, d’opérer des sélections, de tuer des ennemis, voire de se tuer, ce qu’elles seraient parfois tentées d’appeler faire le mal alors que le comble du mal, c’est d’en nier l’existence.

   En fait, quand des femmes font de tels reproches aux hommes, c’est parce qu’elles les considérent… comme des femmes et qu’elles ne prennent pas la mesure de ce qui les distingue des hommes.

   Expliquons-nous : les femmes font ce qu’elles ont à faire et sont programmées pour passer le relais à une autre instance qui opérera un tri. Le problème, c’est qu’elles ne savent pas ce qu’est à proprement parler cette instance qui prendra la suite. Elles savent seulement qu’elles ont une certaine tache à accomplir et qu’ensuite d’autres autorités aviseront. Certes, elles savent qu’il doit bien exister un certain signifiant sélectif mais elles ne savent pas précisément où se situe le signifié correspondant. De même que sur le plan sexuel, elles se doutent que l’autre doit avoir un rôle à jouer mais elles ne savent pas quel est cet autre.

   Selon nous, au niveau du subconscient, nous accomplissons des actes, en respectant une certaine division du travail, sans nous représenter pour autant correctement l’ensemble du processus au sein duquel nous nous inscrivons. Chacun se contente de son lot, sans demander son reste.

   Ce n’est que peu à peu que certains ajustements parviennent à s’opérer et qu’à la place d’une attente assez vague, abstraite, se présente une réalité plus palpable, plus concrète. Mais certaines femmes ne parviennent pas à comprendre que les hommes sont en mesure de résoudre des problèmes qu’elles tendent à laisser en plan et sans solution. Ces femmes là, au lieu de transmettre aux hommes la charge de certaines tâches, préfèrent assigner les dites tâches à d’autres : Dieu, la Nature, le Destin, le Hasard, mais de toute façon à des forces qui leur échappent, sur lesquelles elles n’ont pas prise. Reconnaître aux hommes un tel rôle ne reviendrait-il pas à en faire des dieux : d’où cette formule courante : “mais pour qui se prend-il ?”

   Nous avons déjà noté à quel point la fiction cinématographique était porteuse d’un certain nombre de vérités qui constituent un tabou dès lors qu’on aborde une littérature scientifique ordinaire. Un film fantastique comme L’Armée des morts (Dawn of the Dead) de Zack Snyder (2003) - remake du film Zombie (1978) de George Romero - nous montre le comportement des personnages féminins face à une situation de crise. Les femmes, dans ce film, résistent à l’idée que l’on doive éliminer des éléments douteux, atteints du virus. Elles ne servent donc pas - c’est le moins qu’on puisse dire - d’antivirus ; elles tendent au contraire à vouloir tout préserver indifféremment, le meilleur comme le pire, y compris les animaux. Elles préfèrent que la sélection s'opère d’elle-même, par la mort ou par quelque intervention extérieure que d’anticiper et de prévenir. A d’autres moments, on voit des hommes se sacrifier, en toute connaissance de cause, dans l’intérêt du groupe, ce qui n’est pas le cas des femmes. Faut-il, pour autant, taxer Snyder de misogynie ? Pas nécessairement et ce parce que les femmes dans le film font preuve de compassion, mais force est de constater qu’entre deux maux, elles ont du mal à choisir le moindre. Leur seul critère de sélection est celui qui est le Surmoi en vigueur et qui ne prévoit pas de prendre des décisions aussi radicales, un Surmoi qu’elles n’assument d’ailleurs que parce qu’il est une sorte de deus ex machina, notamment quand il est supposé s’articuler sur une révélation divine. On comprend d’ailleurs pourquoi les femmes ne participent généralement pas aux combats, aux guerres, ce n’est pas une affaire de résistance physique mais bien plus un processus qui est résonance avec un processus sélectif qui leur est peu ou prou étranger. Ce qui vient encore compliquer le problème, c’est parfois la nécessité de détruire chez l’adversaire ce qu’il y a de meilleur et d’y épargner, d’y laisser prospérer ce qu’il y a de pire.

   Il faudrait donc passer par la fiction pour atteindre, paradoxalement, à un certain réalisme et échapper à la langue de bois d’une idéologie toute puissante qui fixe ce qui est intellectuellement correct. Il serait intéressant d’interroger les spectateurs de L’Armée des morts sur ce qui a pu les choquer ou les interpeller dans un tel film.

   Quelque part, tout se passe comme si l’idée de Dieu avait détrône celle de l’Homme, comme si les attributs de l’Homme étaient passés à Dieu, comme on l’a montré dans le récit de la Création (Genèse). Entre la femme et Dieu, l’homme se retrouverait sur la touche, en quelque sorte inutile. En ce sens, les religions seraient les ennemies de l’Homme. On comprend mieux l’attirance des femmes pour l’astrologie, laquelle incarne un pouvoir au dessus des hommes et en ce sens l’astrologie aurait pris le relais des religions monothéistes. La prétendue mort de Dieu n’aura nullement conduit les femmes à davantage respecter les hommes comme si, en fait, la mort de Dieu était aussi la mort de l’Homme, du moins en tant qu’autorité exerçant ce que nous avons appelé un droit de veto (cf. supra), de regard, de filtrage.

   Le débat sur le masculin et le féminin ne pourra prendre toute sa signification qu’à partir du moment où l’on mettra en évidence certaines complémentarités comportementales et non pas seulement physiques. Certes, il existe des représentations de ce qui est masculin et féminin même à un âge précoce mais il ne nous semble pas que le critère de l’attitude face au choix ait été jusque là mis en évidence. Certes, au niveau des rencontres entre hommes et femmes, la femme est censée s’offrir et l’homme choisir celle qui est à son goût. Mais au niveau parental, est-ce que les enfants ont ce critère en tête du moins au niveau conscient ? Est ce que le père est perçu comme celui qui trie, qui opère une sélection, qui ferme et la mère comme celle qui accueille, qui s’ouvre. De fait, la femme est celle qui accepte dans son corps une présence étrangère, celle du sexe masculin, celle de la semence et de son fruit, ce qui implique une capacité réduite de rejet, d’évacuation. On voit bien que la société a besoin de fonctionner autour de deux principes contradictoires et complémentaires et qu’il est absurde de vouloir instituer - sous peine de schizophrénie - chez chaque être la cohabitation entre ces deux principes, comme on semble en avoir le projet de nos jours. Il importe donc de bien tâcher de séparer pouvoir masculin et pouvoir féminin et de ne pas les confondre, tout comme on distingue en électricité prise mâle et prise femelle.

   La femme est souvent dans le “tout ou rien”, ce qui correspond à une autre façon de pratiquer le rejet alors que le rejet masculin est plus sélectif, on taille, on coupe, on enlève, on élague, les éléments inutiles et nocifs pour ne garder que le meilleur. Chez la femme, un tel travail pourra sembler fastidieux et vain. On est dans le “c’est à prendre ou à laisser”, le “il faut me prendre comme je suis”, c’est le “tout d’une pièce”. Tout rejeter ou tout accepter, ce sont des extrêmes caractéristiques de l’approche féminine, ce qui trahit une difficulté à retravailler et à maîtriser une matière brute, probablement en raison d’une sorte de communion avec la dite matiàre.

   On aura saisi que les hommes et les femmes ne partagent pas une même éthique et ce, quand bien même vivraient-ils dans une même société, probablement parce que toute société fonctionne sur une double éthique. Le bien et le mal ne sont pas perçus de la même façon. Pour la femme, le mal, ce serait précisément le fait de trier, de prendre ceci et pas cela, avec la souffrance que cela peut entraîner en cas d’ablation, de sectionnement. Pour la femme, la personne ne se découpe pas. Il faut en accepter et en assumer toutes les facettes comme un tout. Pour l’homme, en revanche, il y a toujours à prendre et à laisser, il faut décortiquer, ôter la gangue. Pour l’homme, qui aime bien châtie bien. La femme admet difficilement que l’on puisse faire du mal à quelqu’un que l’on aime et que l’on puisse chercher le bien chez quelqu’un qui nous est hostile. Elle fera ainsi preuve le plus souvent d’un excès d’indulgence ou de sévérité, faisant abstraction dans un cas de ce qui est mal et dans l’autre cas de ce qui est bien ; la femme tend ainsi vers un certain manichéisme qui n’entre pas dans le détail, préférant accepter ou rejeter en bloc plutôt qu’ envisager des améliorations ou des modifications qu’elle considérerait comme dénaturantes et comme des compromis jugés insupportables.

   Il y a d’ailleurs ici un dialogue de sourds : pour la femme, le mal, c’est de “faire mal” à l’autre, de le faire souffrir alors que pour l’homme, le mal, c’est de ne pas intervenir, de ne pas anticiper. L’homme est pour l’allopathie, l’action chirurgicale, pour le scalpel alors que la femme serait plutôt pour l’homéopathie. La femme a du mal à fixer des priorités, à renoncer à quoi que ce soit de ses projets ; elle préfère que ses projets soient stoppés par une force extérieure que de prendre les devants en censurant, de son propre chef, les moins essentiels.

   Cela dit, il convient de prendre en compte les tendances homosexuelles chez nombre d’hommes et qui se caractérisent précisément par une carence dans le filtrage et donc dans le maintien d’un certain parasitage dont un des traits marquants est le tabagisme, l’alcoolisme, la drogue, et l’incapacité à suivre un régime, à éliminer certaines habitudes (comme l'excès de télévision) ou certaines fréquentations. Il est clair que ces gens là ne sauraient parler au nom de la gent masculine ! En fait, le problème de la femme et des hommes féminisés n’est-il pas d’être d’autant plus aliénés qu’ils ont du mal à en prendre conscience - étant incapables d’opérer un quelconque tri - et à en tirer les conséquences ? En fait, pour cette population, toute idée de sélection est insupportable : on pourrait parler d’un paganisme féminin, étranger à toute morale impliquant un jugement et se trouvant confronté à des religions masculines posant la question du bien et du mal, depuis le mazdéisme iranien, opposant le principe du mal Ahriman à celui du bien, Ahura Mazda, jusqu’au christianisme, deux courants respectés par l’Islam, tout comme le judaïsme avec ses interdits alimentaires, ses limitations sexuelles et ses jours chômés.

   De telles attitudes, selon nous, ne sont pas le fait de la société actuelle qui imposeraient et répartiraient de tels rôles. Ces attitudes sont l’héritage d’une très ancienne structuration sociale et se situent au niveau de tropismes subsconscients dont chaque individu est porteur, sans avoir besoin d’être influencé par son environnement. Car, pour nous, paradoxalement - et en ce sens nous serions proches de Jean-Jacques Rousseau - ce qui est le plus ancestral, le plus collectif est porté par l’individu, dès sa naissance, et non par le discours, souvent corrompu, de la société.

   On dit que les femmes ne sont pas très douées pour le jeu d’échecs. Face à un adversaire, la femme fait-elle aisément la différence entre ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas, sait-elle sacrifier les pièces qui lui permettront éventuellement d’obtenir la victoire ? Est-ce encore une fois par le biais du jeu, comme on l’a dit pour la fiction, que certaines vérités peuvent être entendues comme s’il fallait contourner tout un système de défense. Mais peut-être un jour interdira-t-on le jeu d’échecs parce que trop révélateur, comme on a commencé à prohiber certains tests ? Peut-être censurera-t-on plus rigoureusement les films qui font trop ressortir le différentiel masculin/féminin. Il est probable que certaines femmes le souhaiteraient, ce qui relève d’une certaine logique puisque pour elles c’est notre société qui crée de toutes pièces ces différences, il suffirait donc, à les entendre, de changer les représentations pour transformer les comportements.

   En conclusion, la nature des femmes n’est pas de savoir trier mais bien au contraire de laisser à l’autre ce soin ; en ce sens, elles ont besoin d’une certaine tutelle, d’être dirigées, corrigées. Que pourrait donc signifier l’ #147;émancipation” des femmes. Elles ont une tâche qui leur est propre à accomplir mais cette tâche ne fait sens que si elle est complétée, équilibrée par une force en sens inverse. Il ne s’agit nullement de faire ici le procès des femmes qui assument leur condition mais bien de celles qui ne l’assument pas. Ce sont des hommes, d’ailleurs, qui se sont mis en tête d’améliorer le sort des femmes sans se rendre compte que ce faisant ils mettaient en péril un certain écosystème. On nous répondra peut-être qu’il faut accepter cette évolution aussi fâcheuse soit-elle. Non, précisément, car comme nous n’avons cessé de le souligner, il faut savoir - du moins en tant qu’hommes - accepter les héritages sous bénéfice d’inventaire. Les hommes ont le droit à l’erreur et ne sauraient s’y enferrer.

   La morale féminine, au contraire, aboutit à adopter un certain fatalisme du fait d’une fascination pour ce qui est émané, incarné, en laissant le destin en décider. Mais quel est le “destin” de la femme sinon l’homme ? Les actions de la femme ne sont pas achevées, elles constituent un matériau à structurer. Selon nous, la légitimité du pouvoir, monarchique ou divin, c’est d’assurer une fonction de juge du bien et du mal, de ce qu’il faut garder et jeter. Une société qui ne dispose pas d’une telle instance de sélection ne peut plus progresser et est menacée de pléthore et de trop plein, le bien se trouvant étouffé par le médiocre et le monstrueux, le banal et le pathologique, qui sont les deux types de “maux” qui plombent toute évolution et toute adaptation car s’adapter, c’est se développer dans le sens d’une meilleure aptitude du groupe à affronter les problème qui se posent. Croire que l’adaptation se fait toute seule est une grave illusion car pour s’adapter, il faut mener une politique adéquate et opérer de nouvelles orientations aux dépens d’autres. Croire que l’environnement nous aide à nous adapter est discutable, celui qui ne s’adapte pas est écrasé par les obstacles qu’il rencontre. S’adapter n’est donc pas passif, cela implique souvent de savoir anticiper et en tout cas de chercher des solutions au prix de certains changements que l’on est prêt à opérer sur soi. Celui qui ne sait pas corriger l’autre est-il capable de se corriger lui-même et inversement ? Corriger, répétons-le, n’est pas rejeter en totalité mais seulement partiellement ; encore faut-il être capable de choisir entre plusieurs maux le moindre et se focaliser sur les maux les plus inacceptables/insupportables en renonçant, du moins provisoirement, à vouloir tout amender. La politique du tout ou rien est souvent inefficace et la femme met souvent à égalité des problèmes n’ayant pas la même gravité et dès lors se révèle par trop exigeante, ce qui risque fort de la conduire au découragement. En soulignant mieux ce qu’il est urgent de changer et ce qui est moins urgent, on parvient souvent à de meilleurs résultats qu’en mettant tout sur le même plan de gravité ou d’urgence.

Jacques Halbronn
Paris, le 7 juillet 2003

Note

1 Cf. la rubrique Hypnologica sur Encyclopaedia Hermetica. Retour

2 Cf. Le choix de Dieu. Entretiens avec J. L. Missika et D. Walton, Paris, Ed. De Fallois, 1987, pp. 198-199. Retour

3 Cf. La Bible, édition bilingue, trad. Dir. Zadoc Kahn, Paris, Ed. Colbo, 1967, pp. 1-5. Retour

4 Cf. X men. Retour

5 Cf. Le choix de Dieu, Entretiens, op. cit., pp. 217-219. Retour

6 Cf. Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus. Retour



 

Retour Hypnologica



Tous droits réservés © 2004 Jacques Halbronn