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HYPNOLOGICA

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Des signes et critères de la féminité

par Jacques Halbronn

    Le débat sur le féminin est singulièrement confus et cela tient notamment au fait que les nouvelles définitions cohabitent allègrement avec les anciennes au lieu de les remplacer si bien qu’au lieu de clarifier le dit débat cela contribue à le rendre encore plus inextricable. Or, une telle situation nous semble tout à fait typique de ce nous considérons comme le féminin. Autrement dit, ce qui est dit sur le féminin est caractéristique, à plus d’un titre, de l’approche féminine du monde.

   La différence entre le débat sur le féminin et celui sur les étrangers1 tient au fait que ce qui distingue l’étranger relève d’un fait culturel superficiel à l’échelle individuelle quand bien même les cultures auraient, par elles-mêmes, une certaine prégnance tandis que ce qui concerne le féminin est un phénomène autrement plus profond, inscrit dans le capital génétique de chaque individu, même si les sociétés prétendent pouvoir le gérer. En ce sens, les deux questions relèvent de problématiques diamétralement opposées et il ne serait guère heureux de vouloir les assimiler l’une à l’autre. Le point commun, c’est une certaine volonté plus ou moins délibérée d’embrouiller le débat pour en arriver à une représentation parfaitement abstraite.

   Donc, effectivement, la tendance à ajouter plutôt qu’à soustraire nous apparaît comme caractéristique du féminin, tel que nous le concevons et ajoutons qu’en soi la dite tendance est tout à fait respectable pour peu qu’on l’assume pleinement et qu’on ne soit pas dans la dénégation de ce que l’on est et de ce que l’on n’est pas. Mais une telle attitude est également assez typique, à savoir vouloir une chose et son contraire, ne rien vouloir lâcher. C’est ainsi que l’on entendra que les femmes sont les égales des hommes mais n’en restent pas moins femmes avec tout ce que cela implique.

   Autant de considérations pour montrer la difficulté de conduire un débat sur le féminin... avec des femmes, dès lors que bien évidemment les caractéristiques propres au féminin ne pourront que peser sur le dit débat, donc sur le fond et sur la forme.

   C’est ainsi que quel que soit l’effort que l’on fournira pour constituer un nouveau modèle, celui-ci ne prendra pas la place de l’ancien et on continuera à discourir sur le féminin comme si de rien n’était comme si la faculté d’évacuation était entravée. Comment expliquer un tel comportement que nous n’hésiterons pas à qualifier de féminin ? Il faudrait parler d’un instinct de conservation, d’un impératif de mémoire.

   Or, force est de constater que l’humanité a démontré, à plus d’une occasion une certaine faculté de dépassement qui est à l’opposé de cet instinct féminin, ce qui tendrait à montrer que si le comportement féminin a sa raison d’être, il se situe au sein d’un ensemble qui le dépasse et sans lequel il pourrait se révéler nocif.

   On appellera comportement complémentaire, un comportement qui suppose à un certain moment une intervention en sens contraire : par exemple, quelqu’un qui ne sait pas remplacer de l’ancien par du nouveau se comporte comme s’il s’attendait à ce que quelqu’un d’autre le fît à sa place. Ou encore, quelqu’un qui ne sait pas s’arrêter quand il parle, attend en fait que quelqu’un vienne l’interrompre. Paradoxalement, ces comportements excessifs sont des appels à une intervention extérieure. Bien entendu, on trouve également les façons de faire inverses : celui qui a tendance à exclure trop facilement provoquera - et on est parfois ici bel et bien dans des conduites de provocation - des réactions consistant à rappeler qu’il y a de bonnes choses dans ce qui a été rejeté ou encore celui qui a tendance à interrompre un discours se verra signaler que cela valait peut-être la peine d’écouter encore un peu sinon jusqu’au bout.

   Notre point de vue est le suivant: quand on se situe dans une logique de complémentarité, ce qui est le propre de l’appartenance à un ensemble, chaque attitude a ses limites et doit être compensée par une attitude en sens inverse, de façon à parvenir à un certain équilibre. Il n’est évidemment pas question de devenir l’autre en prétendant assumer la fonction complémentaire. En ce sens, Jung a été souvent utilisé pour laisser entendre que nous étions porteurs - chacun d’entre nous - d’une telle complémentarité, notamment sous la forme animus/anima. Il s’agit là d’un grave contresens : ce n’est pas en nous que la complémentarité doit être recherchée mais en l’autre en chair et en os.

   En vérité, le problème crucial n’est pas tant cette complémentarité fort ancienne mais le déni de celle-ci par la femme qui a du mal à penser la complémentarité car elle est par définition limitative. Or, accepter que l’autre soit complémentaire, c’est reconnaître un manque en soi alors qu’il semble que la femme soit irrésistiblement attirée vers l’androgynat, état dépassé mais dont elle garde la nostalgie d’une unité perdue, d’un espace et d’un temps non structurés. Car ce qui est structuré relève d’une stratégie, d’un ordre qui implique qu’on ne fasse pas les choses n’importe quand ni faire par n’importe qui. Le fait d’avoir à décider qui fait quoi et quand est problématique pour la femme, marquée semble-t-il par une vision des choses selon laquelle les gens et les temps seraient interchangeables.

   La seule chose qui puisse amener une femme à admettre la complémentarité masculin/féminin, c’est l’anatomie et c’est pour cela que l’on y revient si souvent. Non pas que tout se joue et s’explique à ce niveau mais parce que c’est là que le bât blesse quand on prétend qu’il y a identité entre l’homme et la femme. Cette tactique du retour à l’anatomique est souvent présentée par les femmes de façon caricaturale comme si l’on voulait tout fonder là dessus en termes de rapport masculin/féminin alors que c’est pour elles, les femmes, la seule chose vraiment indiscutable et indéniable en termes de complémentarité. Mais là encore, une telle observation ne fait nullement disparaître, dans l’esprit de la femme, les autres arguments anti-complémentaires, comme si l’anatomie n’était qu’un épiphénomène, voire l’exception qui confirme la règle, comme si la femme n’était pas programmée pour ce faire, que c’était contre sa nature ! En effet, ce distinguo organique n’est que le sommet de l’iceberg.

   Cela nous amène à réfléchir sur la condition bien solitaire de l’Homme puisqu’il ne peut point sérieusement débattre de ce qu’il est et de ce qu’il n’est pas avec la Femme, la complémentarité n’impliquant pas pour autant le dialogue. Est-ce que la pluie dialogue avec la terre qu’elle irrigue ou bien se contente-t-elle de l’arroser ? Nous avons souvent des dialogues de sourds au niveau de la communication consciente alors qu’au niveau subconscient et en pratique, tout se passe finalement comme prévu et ce en dépit des grandes déclarations sur la fin des différences.2

   Non pas que la femme n’entende pas ce qu’on lui dit sur le masculin et le féminin mais parce qu’elle ne parvient pas en pratique à changer ses habitudes de pensée - on ne parle pas ici de ses opinions - son mode de raisonnement, de fonctionnement et qu’elle continue comme si de rien avec des outils caducs, ce qui la limite, dans tous les sens du terme, assez gravement.

   Le cas de l’astrologie est emblématique de ce qui se passe en cas de féminisation d’un savoir, marqué par le syncrétisme et les redondances et qui attire surtout d’ailleurs les femmes.3 La femme manque d’un certain esprit critique. Mais là encore, il ne sert à rien de dire cela à une femme car toute idée de manque lui est insupportable, impensable. Elle préférera comprendre un mot à sa façon que d’accepter d’y renoncer. Donc, dans le dialogue avec une femme, il vaut mieux ne pas dire : vous n’avez pas ceci ou cela ou bien il faut être extrêmement précis dans les termes et leur ôter toute polysémie. Car, effectivement, la femme peut tout à fait être critique mais ce sera pour signaler un manque - “vous avez oublié de parler de cela” et non une contradiction exigeant un remplacement. C’est pourquoi la femme pourra discourir indéfiniment sur ce qu’est l’Humanité mais non sur ce qu’elle n’est pas et surtout pas sur ce que la femme n’est pas, sinon encore une fois au seul niveau organique, ni plus ni moins. Et encore, à y regarder de plus près, les choses se compliquent du fait que la femme n’a pas non plus évacué, de sa mémoire, un certain nombre de poncifs sur le masculin et le féminin. On trouve tout chez la femme, comme à la Samaritaine. Mais comment se fait-il qu’elle n’ait pas conscience des contradictions et des incompatibilités au sein de toutes les opinions qu’elle véhicule ? Probablement parce que son fonctionnement est à géométrie variable et que tel argument sert dans un cas et pas dans l’autre, de sorte qu’elle n’est jamais prise au dépourvu à un moment T. En revanche, si l’on étudie les propos qu’elle tient sur une certaine période de temps, on observera qu’ils constituent un tout hétérogène mais elle n’en a cure car elle vit dans l’instant.

   Il ne s’agit nullement, on l’aura compris, de stigmatiser les femmes mais de souligner à quel point il y a décalage entre le faire qui fonctionne bien et le dire qui peut rendre perplexe. En pratique, la femme ne vit pas, socialement, sans l’homme, ce qui limite les dégâts. Le seul domaine qui soit menacé par une féminisation à outrance, c’est-à-dire où l’homme ne peut exercer un contrepoids, est celui de la famille et notamment des familles monoparentales, d’où le père (son père et celui de ses enfants) et le mari sont exclus et où la femme est peu ou prou laissée à elle-même, à moins d’accorder aux enfants mâles un certain rôle, d’où l’intérêt des couples mère/fils en comparaison des couples mère/fille. On en revient alors à un stade androgynal archaïque, sans complémentarité spatio-temporelle au niveau social, qui reste la grande tentation.

   Si la femme n’a pas en face d’elle un homme capable d’assumer la tache, la corvée, de faire des choix, d’élaguer les éléments inutiles et face auquel elle pourra exprimer son désir de tout dire, de tout garder, de tout essayer, elle risque fort alors de se masculiniser, de dissimuler et de mentir. Or, la femme n’est pas faite pour refouler mais pour (se) défouler - d’où une certaine liberté de langage qui fait que toute information connue et retenue par devers elle lui pèse: sa réputation d’indiscrétion n’est pas usurpée, il faut que cela circule, que l’on déballe. Rien n’est pire pour une femme que de devoir garder un secret, cela peut la miner, c’est un acte contre nature. La femme a moins l’esprit partisan et sectaire que l’homme et elle arrive ainsi à faire cohabiter les ennemis d’hier, c’est Roméo et Juliette, à mettre fin à de vieilles querelles mais tout est question de mesure et on a vite fait d’en faire trop et de basculer dans un pacifisme qui, à terme, favorise toujours plus un camp qu’un autre. Il faudrait réfléchir sur les raisons qui raréfient la présence féminine en politique, quand il ne s’agit pas de revendications égalitaires souvent utopiques et qui d’ailleurs souvent concernent, comme par hasard, la condition féminine.

   Une femme seule porteuse de secrets se masculinisera - on pense notamment aux secrets de famille : fille mère, enfant atteint d’une maladie mentale, prison, ruine etc - dans son comportement et ce faisant son rapport aux hommes risque de s’en trouver faussé. Elle ne pourra plus jouer pleinement son rôle féminin, elle deviendra un garçon manqué, ce qui pourrait d’ailleurs la conduire à l’homosexualité, au rejet de l’homme devenu carrément inutile et dont elle n’a vraiment rien à apprendre ni à attendre. Une issue : chercher un homme féminisé, ce qui peut tenir au fait qu’il ait vécu avec une mère masculine et cachottière, ayant peur de révéler la vérité. Inversement, un homme peut être hypermasculinisé quand il a eu affaire à une mère par trop bavarde et indiscrète, dont il cherchera à se protéger en dissimulant, en mentant de façon à la désorienter.

   Nous fonctionnons avec des modes de repérage très anciens et dont nous n’avons même pas forcément conscience : en posant toutes sortes de questions à une femme, un homme s’assure de sa souplesse, de sa maniabilité, du fait qu’elle n’a pas de blocage, tant psychiquement que physiquement, qu’elle se laisse faire. Une femme qui se dérobe à cet exercice, ce n’est pas de bon augure. Inversement, ne serait-ce que de façon symbolique, l’homme doit montrer qu’il est apte à prendre des décisions, à structurer le temps. Il y a là un rituel qui permet de déterminer qui est qui et d’éliminer les cas atypiques.

   Il convient donc de ne pas conclure que toutes les femmes sont complètement et certainement féminines et tous les hommes typiquement masculins, au sens où nous l’avons défini et non pas selon tous les clichés qui traînent. S’il en était ainsi, les choses seraient plus simples car ce sont les exceptions ou les aberrations qui suffisent souvent à empêcher d’apercevoir le dessin/dessein d’ensemble. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que l’on reconnaisse que la différence entre hommes et femmes est justifiée et qu’elle doit être modélisée, formalisée et servir d’ailleurs pour progresser au niveau technologique et non réduite - avec quelle désinvolture et irresponsabilité ! - à quelques clichés épars ou à quelques évidences anatomiques ? Il va de soi que le retard pris dans une formulation sérieuse de ces concepts de masculin et de féminin - on en est encore aux prises mâles et femelles - ne pourra que freiner le progrès technologique au cours du XXIe siècle. Inversement, il est possible que le dit progrès technologique nous conduise à mieux comprendre la sexuation. Or, comment construire des systèmes vraiment intelligents si l’on n’a pas saisi en profondeur une telle dialectique ? Dans un cas comme dans l’autre, demain, cette question du masculin et du féminin, bien loin de s’estomper, sera à nouveau tout à fait centrale tant sur le plan social que sur le plan technique et l’on regardera la production du XXe siècle et du début du siècle actuel sur ce sujet avec pitié.

   Il conviendrait, enfin, de ne pas caricaturer nos thèses : quand nous écrivons que les hommes ont un sens aigu des incompatibilités, cela ne signifie nullement qu’ils soient tous capables de les mettre en évidence - chaque génération dénonce ce qui n’avait pas frappé la génération précédente - sinon il n’y aurait pas de progrès mais qu’ils sont en quête de ces incompatibilités et que celles-ci une fois signalées, ils sont au moins prêts à en tirer les conséquences au lieu de chercher à les masquer.

Jacques Halbronn
Paris, le 13 septembre 2003

Note

1 Cf. entre autres, “Le ghetto linguistique maghrébin, entre religion et immigration” sur Encyclopaedia en ligne, rubrique Hypnologica. Retour

2 Cf. Armelle Le Bras-Chopard, Le masculin, le sexuel et le politique, Paris, Plon, 2004. Retour

3 Cf. “Astrologues et anti-astrologues en mal de modèles adéquats”, sur Encyclopaedia Hermetica. Retour



 

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