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Editions RAMKAT

Thèse de Jacques Halbronn




THESE DE JACQUES HALBRONN

Avant-propos

Introduction à la critique nostradamique

Lire les Centuries

     Au cours des dix dernières années, des travaux importants ont été publiés concernant l’oeuvre de Nostradamus ou qui lui est attribuée. On pense notamment aux bibliographies de Michel Chomarat et de Robert Benazra ainsi qu’au Nostradamus, astrophile du regretté Pierre Brind’amour.

   Mais ces recherches pêchent par une difficulté méthodologique à séparer le bon grain de l’ivraie, textes authentiques et contrefaçons. Or, appréhender l’ensemble nostradamique comme relevant d’une seule et même inspiration, c’est se condamner à des considérations pour le moins aléatoires.

   Certes, d’ores et déjà, certains pans de l’oeuvre nostradamique avaient semblé suspects, on pense notamment aux sixains que l’on s’accorde désormais à situer au début du XVIIe siècle. Ou encore à telle édition de 1566 - année de la mort de Michel de Nostredame - qui serait en fait due à des libraires avignonnais du XVIIIe siècle. Mais des erreurs grossières avaient été relevées qui ébranlèrent jusqu’aux plus crédules.

   Critique nostradamique comme on dit critique biblique. Pourtant le corpus nostradamique est infiniment plus proche, le contexte politique bien mieux balisé. Mais il existe des difficultés spécifiques concernant les ouvrages imprimés.

   En fait, tout se passe comme si ceux qui avaient abordé la production proprement dite de Michel de Nostredame avaient essayé de sauvegarder le mythe d’une oeuvre d’un seul tenant et donc d’un seul et même auteur.

   Notre propos aura été, au contraire, de faire ressortir des inspirations différentes, des époques de rédaction s’étalant bien au delà de la vie de cet auteur et de distinguer ce qui peut être attribué à Michel de Nostredame et ce qui relève de ses imitateurs et “successeurs“.

   Disons que nous avons reprise le problème à la base, n’admettant rien par avance, pas même la parution en 1555 d’un premier volet de Centuries. Nous exigions d’avoir des éléments de recoupement, des sources extérieures à ces éditions qui, en bloc, nous apparaissaient comme suspectes tant la contrefaçon y sévissait. D’où l’importance de textes mineurs, de passages, de citations, de satires, de commentaires, qui permettait de suivre en parallèle la progression des éditions.

   Mais il nous a semblé tout autant essentiel de relier les textes aux événements politiques. Pour nous, en effet, un texte prophétique est, malgré les perspectives à plus ou moins long terme, un texte de circonstance, qui s’inscrit dans une certaine urgence. Aucune addition, d’une édition sur l’autre, n’est gratuite - et les ajouts successifs sont nombreux dans l’histoire des Centuries.

   Ce faisant, nous avions à accomplir une tâche curieusement assez proche de celle des exégètes les plus zélés. A savoir rattacher les quatrains ou des morceaux de quatrains à tel ou tel événement, à tel ou tel personnage, mais au lieu d’en conclure que “Nostradamus” avait annoncé ceci ou cela, nous nous servions de ces corrélations pour retarder la date de parution des textes concernés. Ainsi, l’ “anti-nostradamisme” et le “nostradamisme” se retrouvaient face à face, chacun reprochant à l’autre sa complaisance et ses facilités.

   La question des contrefaçons pose des problèmes délicats : comment aurait-on pu imiter à ce point à des décennies voire à des siècles de distance des éditions du XVIe siècle ? Nous avons mis en évidence un “faux” seizième siècle, inventé par la suite. Non pas que ces fausses éditions aient toujours été des inventions de toutes pièces mais elles se sont généralement substitué à de “vraies” éditions, à de vrais libraires, en utilisant un matériel qui était conforme. Les historiens du livre semblent tout à fait incapables de trancher et la véritable décision se situe au niveau des invraisemblances du texte.

   Notre thèse est la suivante : ce qui a fait le succès des Centuries, ce sont les additions après coup, maquillées en éditions prétendument d’époque. Bien entendu, le corpus nostradamique ne s’est pas amplifié indéfiniment. A partir du milieu du XVIIe siècle, le canon est bouclé, soit près d’un siècle après les premières éditions.

   Par la suite, ce sont les exégèses qui prennent le relais de ceux qui ont remanié les textes. Il s’agit pour les commentateurs, désormais, de leur faire dire ce qu’il convient. On passe de la manipulation du texte à celle du sens.

   Il était également important de traiter des sources des Centuries. Comment Michel de Nostredame avait travaillé ? Nous avons ainsi montré qu’il avait compilé divers ouvrages dont un Guide des pèlerinages comportant un grand nombre de noms de villes et de lieux, dont le fameux Varennes.

   Au demeurant, cet auteur était-il dépositaire d’un véritable message prophétique ? Nous y verrions plutôt l’oeuvre d’un courtisan, d’un partisan. Le politique l’emporte en priorité sur le prophétique. Mais le genre prophétique a ses exigences qu’il convient de respecter, quitte à faire du remplissage. Aux lecteurs de dénicher la petite phrase et bien plus encore aux historiens de la déceler.

   Les Centuries sont un texte idéologiquement des plus syncrétiques : il se partage entre une inspiration catholique romaine et une eschatologie réformée. Chaque camp a voulu se les approprier. C’est dire qu’il convient de connaître les différents discours prophétiques en présence et qui ont, tour à tour, marqué tel ou tel groupe de quatrains.

   Le but n’était pas ici de présenter une édition critique des Centuries mais il est probable que notre travail est susceptible d’y contribuer et devrait tôt ou tard y conduire.

J. H.



 

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